vendredi 11 février 2011

Antoine de Boismenu : Circuit court, mode d'emploi

Antoine de Boismenu : Circuit court, mode d'emploi: "

En préambule au salon international de l'agriculture 2011, nous sommes allé à la rencontre d'un agriculteur pas comme les autres ! En 2006, Antoine de Boismenu quitte Paris et la direction d'une grande organisation agricole, pour s'installer comme éleveur laitier et producteur de fromage dans un hameau isolé, au cœur du Puy de Dôme. Chronique d'une reconversion risquée, mais réussie.


'Depuis tout petit, je rêve d'être agriculteur, de faire mon fromage'. Ne cherchez pas d'autre explication ! C'est à la fois par passion et par goût du défi qu'Antoine de Boismenu a quitté en 2006 son poste de directeur général des Safer [1] pour se lancer dans la production et la vente de fromage sur les hauteurs de Valcivières, en Auvergne. Une décision qui avait surpris, d'autant que le projet ne manque pas d'originalité. 'Avec mon frère Louis, nous nous sommes installés, au Perrier, dans ce hameau d'altitude près du col des Supeyres. Lui, élève des vaches à viande de race salers, destinées à l'amélioration des troupeaux, et moi des abondances. Le lait est transformé en fromage, tomme fermière et fourme d'Ambert (AOP en cours d'obtention, ndr), et nous écoulons 100% de la production en vente directe, ici même et sur le marché, à Ambert', explique l'intéressé. La ferme, située dans un bâtiment ancien rénové en 2005, comprend à la fois l'habitation, l'espace de vente, l'étable et l'atelier de fabrication du fromage. En dépit du charme de l'endroit et de la vue imprenable, on imagine qu'en hiver, l'isolement et la rudesse du climat doivent peser. Surtout après 15 années de vie 'parisienne'.

Et pourtant, c'est avec le sourire et une bonne dose de fierté qu'Antoine de Boismenu dresse le bilan de sa reconversion. 'Tout se passe bien. Vraiment. Nous dégageons un revenu suffisant car je n'ai aucun intermédiaire, et il m'arrive souvent que la demande en fromage dépasse la production. J'ai du mal à suivre ! Et puis malgré la somme de travail, ce métier a quelque chose de mystique, de contemplatif. Je ne m'en lasse pas.'


Antoine de Boismenu dans sa cave d'affinage ©Pascal.Xicluna/Min.Agri.Fr

'Il faut avoir vécu,

avant de s'installer'


Au début, pour lancer l'activité et se faire connaître, Antoine vendait ses fromages aux touristes de passage, au col des Supeyres. Cette clientèle s'est révélée plus fidèle que prévu : nombreux sont les promeneurs et les skieurs qui reviennent régulièrement acheter la fourme fermière. Mais la demande locale n'est pas en reste. 'Personne ne croyait à notre projet car il y a peu de passage, ici, hors saison. Heureusement, nous avons une excellente clientèle locale. En 2009, la production se montait à 5 tonnes, fourme et tomme confondues. En 2010 ce sera 6 tonnes et on devrait se stabiliser à 6,5 tonnes à partir de 2011', estime Antoine. A la ferme, l'après midi est généralement consacrée à la vente, tandis que chaque matin, on fabrique le fromage avec le lait tout juste tiré. Ajoutez à cela la traite des vaches, matin et soir, la vente sur le marché, le jeudi, et la gestion du troupeau de vaches allaitantes, et vous obtenez des journées bien chargées pour les deux frères. Pour attirer de nouveaux clients, il faut aussi miser sur la communication. Outre le blog et le site Internet alimentés régulièrement, chaque occasion est bonne pour apparaître dans les médias et créer l'événement. La ferme des Supeyres a ainsi connu son heure de gloire sur TF1 (grâce à un contrat Natura 2000 signé en 2007), sur France Inter, et dans plusieurs journaux et magazines locaux. Soigner le relationnel, c'est aussi se souvenir des gens, de leur histoire. 'J'ai appris ça dans les cocktails mondains, mais ça me sert toujours', plaisante Antoine.

Cinq années après le grand saut, les deux frères ne regrettent pas leur choix d'une installation à petite échelle, sur le modèle de l'agriculture fermière d'antan. Pour Antoine de Boismenu, le circuit court, c'est la liberté de ne pas dépendre d'une filière, mais pas seulement. 'Je gagne autant qu'un éleveur qui produit 500 000 litres de lait par an, soit 10 fois plus que moi, et je ne travaille pas davantage. C'est juste une autre manière de penser, et la satisfaction de suivre mon produit jusqu'au consommateur final', estime-t-il.

Pour acheter le fromage d'Antoine et tout savoir sur la ferme des Supeyres : www.supeyres.fr/


©Pascal.xicluna/Min.Agri.F r

7 conseils pour une reconversion réussie en agriculture – vente directe


  • Préparer son projet en amont, anticiper les difficultés et connaître ses droits. Un peu de lecture avant de se lancer ne nuit pas
  • Fabriquer un produit de qualité, se remettre constamment en question. Ne pas hésiter à suivre des formations
  • Avoir, même à petite échelle, une vraie politique commerciale avec des prix justes et des promotions occasionnelles
  • Utiliser les médias pour se faire connaître, et créer l'événement en se montrant précurseur, par exemple sur le thème de l'environnement
  • Faire attention aux autres, veiller à soigner ses relations et son voisinage, même - et surtout - si l'exploitation agricole est isolée
  • Informer les consommateurs sur le mode de production et la vie de la ferme, grâce à un blog ou à un site Internet
  • Faciliter l'accès au produit : mise en place de libre service quand c'est possible, ou vente en ligne via Internet



[1] SAFER : Société d'aménagement foncier et d'établissement rural

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