vendredi 20 août 2010

SIX MOIS D'ATTENTE PLUTOT STÉRILE

SIX MOIS D'ATTENTE PLUTOT STÉRILE: "Six mois d'attente plutôt stérile

Le lent décaissement des milliards de dollars promis par la Communauté internationale pour remettre Haïti sur ses rails, six mois après le séisme, replonge soudainement les Haïtiens dans le désespoir. En attendant les révélations annoncées par le président René Préval, ministres, humanitaires et âmes errantes reprouvent cette lenteur qui pèse lourd sur le destin du pays qui tarde à amorcer sa reconstruction.

« Il y a un terrible fossé entre l'enthousiasme et les promesses d'aide faites aux victimes dans les premières semaines qui ont suivi le tremblement de terre et la désastreuse réalité sur le terrain six mois après », se lamente Stefano Zannini, chef de mission de Médecins Sans Frontières. Joseph Jasmin, ministre chargé des Relations avec le Parlement du gouvernement, lui-aussi, est impatient de voir les bailleurs délier le cordon de la bourse. Des 5 milliards promis pour les 18 prochains mois, a dénoncé le ministre Jasmin, rien n'a été décaissé. Ce qui complique davantage la tâche de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) qui n'a pas aujourd'hui grand-chose à faire, selon le ministre Joseph Jasmin cité par l'AHP. La communauté nationale, a-t-il prévenu, n'acceptera pas que les bailleurs de fonds internationaux se moquent une fois de plus du peuple haïtien. L'ex-député, devenu ministre depuis le retour de René Préval à la magistrature suprême, demande aux pays donateurs et aux organisations internationales de respecter leurs engagements pour favoriser l'amélioration des conditions de vie de la population et la reconstruction de la capitale terrassée par le violent séisme qui a fait environ 300 000 morts et 1,5 million de sans-abri.

On n'a pas besoin de loupe pour constater que la lenteur dans le décaissement des fonds entrave le processus de la reconstruction. Avec vingt millions de mètres cubes de débris à ramasser, dont des carcasses de voitures écrasées comme des crêpes, des édifices symboles comme le palais présidentiel à reconstruire... les autorités haïtiennes semblent loin de pouvoir reloger les sinistrés à l'épreuve de la saison cyclonique qui a débuté le 1er juin dernier. « Les Haïtiens méritent une vie descente, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain », a indiqué le président René Préval, qui engage depuis un mois des discussions avec les habitants de Fort-National pour reloger les sinistrés de ce quartier qui croupissent dans des camps de fortune insalubres au Champ de Mars. Depuis mai dernier, selon des images montrées par le service de presse de la présidence, le Centre national des équipements (CNE) commence à déblayer les bâtiments détruits ou à démolir le Fort-National dans une perspective de relocalisation de certains des déplacés de ce quartier populaire surplombant l'aire du Champ de Mars.

Décombres encombrants

Les décombres, symboles des dégâts, compliquent davantage la tâche des organisations humanitaires et de l'État dans le processus de reconstruction du pays. « C'est un travail compliqué », a soupiré Peter Rees, le coordinateur du « Cluster Abris » pour les Nations unies, qui intervenait à la série de conférences organisées par Internews, CDAC et Reporters Sans Frontières dans ce qui reste de l'hôtel Montana. Six mois après la catastrophe, le gouvernement et les Nations unies travaillent sur un plan pour enlever 2,5 millions des 20 millions de mètres cubes de débris qui encombrent Port-au-Prince, a fait savoir un responsable humanitaire qui répondait aux questions d'un journaliste.

Quelque 120 millions de dollars, dit-il, seraient nécessaires au déblaiement de la capitale. Au-delà des fonds, poursuit l'expert, il y a le problème de titre de propriété. « Les gens restent foncièrement attachés à leur maison détruite et aux débris. On ne peut pas aller sur un site privé sans l'autorisation du propriétaire », a expliqué Timo Luegue, chargé des médias et de la communication du « Cluster Abris ». Autre obstacle évoqué par M. Luegue, c'est la disponibilité de camions indispensables au programme de déblaiement des rues et des édifices effondrés. « Il nous faut beaucoup de camions, alors qu'il n'y en a pas assez dans le pays », a affirmé Timo Luegue, la casquette bien vissée sur la tête. Mille camions mobilisés pendant mille jours, selon une prévision du président haïtien René Préval, sont obligatoires pour débarrasser des gravats laissés par le séisme du 12 janvier. A ce lot de contraintes, M. Luegue a ajouté l'étroitesse des rues de Port-au-Prince. « Les engins ne pourront pas accéder à certaines rues où les accès sont difficiles », a expliqué le chargé des médias et de communication.

Et les ONG ?

Pas moins de 1 368 camps sont répertoriés à travers la capitale. Selon les statistiques de l'ONU, ces camps accueillent environ 1,7 million de personnes déplacées. Reloger les déplacés reste un casse-tête pour le gouvernement et ses partenaires. D'après Giovanni Cassani, responsable du « Cluster Coordination et Management des camps », entre 60 % et 70 % des personnes déplacées n'étaient pas propriétaires de leurs anciens logements.

En attendant des signaux clairs en ce qui concerne la reconstruction du pays, le flot d'ONG présentes sur le terrain depuis le séisme du 12 janvier s'adonnent à des activités assimilées au saupoudrage dans les camps. Cinéma, théâtre, séance d'animation... sont quotidiennement organisés - à partir des fonds d'urgence - dans certains centres d'hébergement pour aider les gens à se sentir à l'aise dans leur abri provisoire qui tend à devenir permanent. « On ne voit pas beaucoup de perspectives, on ne voit pas les moyens de la reconstruction. Est-ce que l'argent promis par la communauté internationale va arriver ? Est-ce qu'il arrivera jamais ? », s'interroge, perplexe, madame Franck Paul, l'ancienne maire de Port-au-Prince, interviewée par l'AFP.

Si le bilan de la reconstruction est maigre, les ONG évoluant dans le domaine humanitaire ont tant bien que mal apporté leur soutien aux victimes. L'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) estime que près de 100 000 tentes et 670 000 bâches ont déjà été distribuées en Haïti depuis le 12 janvier. Des vivres ont par ailleurs été fournis à 3,5 millions de personnes et de l'eau potable à 1,3 million. A côté des 92 199 outils et 168 840 ustensiles de cuisine distribués, quelque 500 000 personnes ont été vaccinées un peu partout dans le pays.

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a laissé un lourd tribut pour Haïti. Plus de 222 570 personnes ont été tuées et près de 300 000 blessés. Le système éducatif n'a pas été épargné. Quelque 4 992 écoles, soit 23 % des écoles du pays, ont été affectées. Le système de santé, déjà moribond avant le séisme, a été balayé. Près de 60 % des infrastructures de santé ont été détruites. De plus, 10 % des travailleurs de la santé sont morts ou ont quitté le pays.

Claude Gilles et Jean Pharès Jérôme
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