mardi 31 août 2010

Affaire Woerth. Le coup de Maître.

Affaire Woerth. Le coup de Maître.: "
Ce dimanche, alors que Martine prononce son discours de clôture aux universités du PS et du MJS en direct de la Rochelle, de nouveaux rebondissements dans l’affaire Woerth se font jour. Après la radiation de François-Marie Banier du testament de Liliane Bettencourt annoncé en fin de semaine, c’est l’annonce par Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, le procureur hiérarchiquement le plus élevé dans le système judiciaire français, qui annonce dans le JDD qu’il songe à renvoyer Éric Woerth devant la Cour de justice de la République pour prise illégale d’intérêts et délit de favoritisme. Enfin un progrès vers l’indépendance de la justice, qui politiquement va avoir quelques répercussions. En effet, cette annonce n’est que la conséquence de l’envoi d’un courrier fortement motivé sur le plan juridique de Corinne Lepage.


« Il faut que la justice passe », Corinne Lepage sur i>Télé.
Sur le plan juridique, on ne peut que soutenir Corinne Lepage, les points à éclaircir sont tellement nombreux, qu’une procédure menée par un juge d’instruction soit menée est indispensable tout comme le passage d’Éric Woerth devant la Cour de justice de la République .
Dans un entretien au JDD, la députée européenne justifie cette demande par la nécessité de clarifier la situation, quitte à ce qu’au final, Éric Woerth soit acquitté.
Corinne Lepage base la saisine de la Cour de justice de la République sur 2 motifs.
Le premier est l’intervention du ministre-maire dans l’affaire de la cession de l’hippodrome de Chantilly pour un montant dérisoire.
Le deuxième est constitué par « les infractions présumées de prise illégale d’intérêts et de délit de favoritisme ».

Si le premier motif ne nécessite aucune explication spéciale, le deuxième exige un effort de définition.

L’infraction de prise illégale d’intérêt est définie par l’article 432-12 du code pénal (Section III - Des manquements aux devoirs de probité ; Paragraphe 3 - De la prise illégal d’intérêts) qui dispose en son alinéa 1 et 2 :

« Article 432-12
Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16000 euros. »

On le voit, les montants en jeu, dépassent largement le seuil maximal des 16 000€ fixé par le code pénal, on peut supposer que cet article s’applique. Pour être encore plus clair, la prise illégale d’intérêts se caractérise par un préjudice pour la collectivité permis par la décision de l’élu et ceci sans pour autant qu’il en retire un profit direct. L’essentiel ici, est le préjudice pour la collectivité. Pour l’affaire de l’hippodrome de Chantilly, le prix de vente a été fixé comme celui de 60 années de location. Comme le loyer était plus que raisonnable, on arrive à un montant approchant les 2,7 millions €. Or, en réalité, le prix aurait dû être calculé sur la valeur foncière du bien et s’approche plus des 20 millions € que des 2,7 millions de la transaction. Le bien sortant du patrimoine d’une personne publique au profit d’une personne privée et le maire de Chantilly étant intervenu personnellement, on peut penser qu’il y a bien prise illégale d’intérêts.
Toutefois, le dossier étant complexe, il conviendra d’attendre une décision de justice avant de se prononcer définitivement.

Le délit de favoritisme est lui défini et condamné par l’article L.432-14 du code pénal, il se distingue du délit de corruption.

« Paragraphe 4 : Des atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.

Article 432-14

Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. »

Le site internet marchespublicspme.com résume bien les choses : « Le délit de favoritisme consiste pour un agent public ou pour un élu, dans le cadre d'un marché public, de procurer un avantage injustifié à une entreprise pour l'obtention du marché.
Le délit de corruption est constitué lorsqu'une personne, ayant une influence dans la prise de décision lors de contrats publics, cède aux avances ou sollicite une entreprise en arguant de son poids dans la prise de décision. »


« Il ne faut pas qu’il y ait d’impunité dans notre pays, c’est essentiel », Corinne Lepage sur i>Télé.
Au-delà de l’argumentation juridique avancée, il s’agit pour Corinne Lepage d’un coup de maître. Avocate, il ne fallait pas s’attendre à autre chose de la part d’elle, savoir tirer avantage des évènements pour retourner la situation à son profit. L’avocat est, en effet, attentif à la moindre faille pour gagner un dossier. Politiquement donc, c’est un véritable coup pour Corinne Lepage, l’un de ceux qui vous propulse au centre du jeu immédiatement. On ne parlait la semaine dernière que la possible candidature d’Éva Joly aux présidentielles pour représenter Europe-Écologie sur le thème de la responsabilité, voilà que Corinne Lepage présente elle-aussi à Nantes vient de lui damer le pion en reprenant l’initiative sur le terrain de la probité et de la lutte anti-corruption. Bien joué.

Ce coup s’inscrit dans une perspective bien précise. Corinne Lepage, qui a quitté le Mouvement démocrate, a gardé sa structure partisane, Cap21 pour garder une capacité d’expression. Toutefois, consciente de la force de son mouvement, elle sait que celui-ci n’a pas la force de la mener vers un gros score à la présidentielle en 2012. Son but étant d’être candidate à la présidentielle, elle doit pour avoir une réelle chance devenir la candidate du rassemblement Europe-Écologie. Les propos de Cécile Duflot à Nantes montre que les Verts n’ont pas fermé la porte à Corinne Lepage si celle-ci souhaitait les rejoindre, qui a elle dit qu’elle gardait ses idées tout en souhaitant participer à la construction d’une force écologiste de premier plan. Subtil discours politique !


Un Woerth pieux ?
Entre les lignes, on notera qu’avec ce « coup » dans l’affaire Woerth, l’idée d’une candidature écologiste large a un certain sens. Reste maintenant à voir qui sera candidat. Et de ce côté-là, les choses ne sont pas aussi plié que l’on peut le penser. La seule chance pour Europe-Écologie de réaliser un gros score dans les scrutins majoritaires réside dans la capacité de ce mouvement à s’élargir au centre-droit. La semaine dernière encore, la chose semble improbable. Aujourd’hui, une fenêtre s’entre-ouvre, les écologistes sauront-ils saisir l’occasion d’intégrer Corinne Lepage à leur démarche ? Toute la question est là.


A voir : - Corinne Lepage dans Libération le 17 juillet 2010.
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