mercredi 1 septembre 2010

Bonne rentrée, Monsieur Trichet!

Bonne rentrée, Monsieur Trichet!: "

Cette première conférence de presse du président

de la BCE, ce jeudi, sera très suivie. Et pas facile pour Jean-Claude Trichet.

Il est certes habitué à jouer les équilibristes, mais pour la troisième rentrée

depuis le début de la crise, l’exercice atteint des sommets de difficulté. Car

le cadre économique général s’est brouillé au cours de l’été. Les Etats-Unis,

qui paraissaient avoir renoué avec la croissance, replongent dans le marasme. La

peur du «W»
, qui impliquerait une nouvelle récession, s’installe. Si elle ne se

réalise pas, c’est le spectre d’une croissance très lente, à la japonaise, qui

hante les économistes.


La croissance des pays européens, de son

côté, présente des divergences énormes. D’un côté, l’Allemagne galope à 2,2%

(croissance du deuxième trimestre 2010), grâce à la poussée de ses exportations

vers l’Asie, suivie par un certain nombre de pays. De l’autre, des pays encore

en pleine crise de la dette publique, comme la Grèce ou l’Espagne, subissent

une récession très dure et doivent parallèlement remettre leurs finances

publiques en ordre. Comme le souligne l’économiste Patrick Artus dans une

récente étude Natixis, «un important

conflit autour des orientations de politiques économiques s’annonce entre ces

groupes de pays».
Ce sera encore pire en termes de politique monétaire.

Pourtant, le fait d’avoir calmé les craintes des investisseurs sur la situation

des «Pigs», les pays d’Europe les plus endettés (Portugal, Irlande, Grèce,

Espagne), avait constitué au cours de l’été un véritable exploit. Mais les taux

d’intérêt demandés à ces pays fragiles pour leur prêter des capitaux se tendent

de nouveau. Pire, les agences de notation, que chacun s’accorde à vouloir

réglementer sans le faire, menacent de nouveau: elles ont dégradé la note de

l’Irlande
, et l’agence Standard&Poor’s est même allée jusqu’à menacer les

Etats-Unis
, dont le déficit public, il est vrai, explose.


Tenir en équilibre


Autant dire que, même si l’Asie se porte

bien, cette nouvelle phase de la crise paraît encore plus délicate à gérer, si

possible, que les précédentes. Les autorités économiques et monétaires doivent

louvoyer entre le risque d’étouffer une croissance fuyante et celui de

mécontenter des investisseurs qui, après avoir subi un séisme, ne veulent plus

courir de risques. Jean-Claude Trichet va ainsi devoir conserver un équilibre

précaire entre des pays qui vont avoir besoin de la plus grande souplesse

monétaire pour conserver un minimum de croissance et ceux qui, parce qu’ils ont

renoué avec la croissance, voudraient voir la banque centrale européenne

revenir à une politique monétaire plus classique. Il va donc une nouvelle fois

se retrouver au centre d’un conflit entre pays à forte compétitivité –comme l’Allemagne–

et pays à faible compétitivité, qui, outre les Pigs, comprennent aussi la

France et l’Italie. Une situation plus qu’inconfortable, même si le président

de la BCE explique avec constance qu’il ne voit pas de différence entre la

situation de sa banque centrale et celle des Etats-Unis, où il peut aussi arriver

que certains Etats soient en récession tandis que d’autres sont en croissance.


En théorie, il a bien sûr raison. Sauf que le

marché unique existe réellement aux Etats-Unis et beaucoup moins en Europe: il

est plus facile à un ouvrier de l’Ohio de partir travailler en Virginie qu’à un

Italien d’en faire autant vers l’Allemagne. Surtout, le budget fédéral

américain représente des sommes à redistribuer autrement plus considérables que

le 1% du PIB européen dont est doté le budget de la Commission… Une nouvelle

fois, la relance de l’Europe économique et politique sera au cœur du problème,

alors que l’entente franco-allemande est trop faible pour que le processus

reparte vraiment.


Finalement, pour pallier tous ces dangers de

divergence, on ne peut qu’espérer que la croissance allemande soit contrainte

de ralentir un peu. Ce n’est pas certain, mais c’est possible: la Chine cherche

à freiner son rythme de croissance et à transformer son modèle en favorisant la

consommation des ménages. Auquel cas elle pourrait être moins gourmande en

biens importés d’Allemagne. L’écart enregistré en Europe serait alors moins

fort, ce qui permettrait à Jean-Claude Trichet de passer ce mauvais cap. Il est

certes déplorable de souhaiter le ralentissement de l’économie d’un partenaire

économique qui est aussi le premier client de la France, car cela signifie que

celle-ci aussi verra sa croissance ralentir. Mais ce n’est peut-être qu’à ce

prix qu’on obtiendra un rééquilibrage dans la zone euro.


Marie-Laure Cittanova


Photo: Jean-Claude Trichet, en juin 2010. REUTERS/Thierry Roge

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