Eternelle question, éternelle polémique : à quoi servent les experts, et plus particulièrement, les économistes ? A l’occasion de l’attribution du prix Nobel d’économie, cette interrogation déclenche à chaque fois la même polémique : l’économie est-elle une science ? Si c’est une science, pourquoi existe-t-il tant d’avis divergents et contradictoires ? Remarquons au passage que le débat est le propre de la science (et de la politique). On ne discute pas une idéologie ou les commandements d’une religion : on y adhère ou pas, on y croit ou pas ; mais cela ne se discute pas. Les sciences – qu’elles soient naturelles, exactes ou sociales - progressent dans le débat et la contradiction. Car la science est ouverte : ce qui semblait impossible hier peut devenir banal demain.
Cependant, l’économie est traversée d’enjeux qui la dépassent. L’économiste doit-il pour autant participer aux débats publics au risque d’endosser un discours partisan ou au contraire rester au-dessus de la mêlée et prendre le risque de n’être jamais entendu ou pris au sérieux ? [1]
Ce débat, déjà très ancien, a débouché en France sur une proposition de réforme de l’enseignement de la science économique face au constat de désaffection par les étudiants des filières de sciences économiques, au profit notamment des filières de formation plus appliquées en gestion et management (qui font le succès des écoles de commerce ou des I.A.E.). La critique majeure concerne l’évolution de la science économique vers une modélisation toujours plus abstraite qu’elle ne devient compréhensible que par les seuls experts alors même que les questions économiques interpellent chaque jour le citoyen. Et justement parce que le débat public baigne de considérations économiques, la science économique se doit d’être compréhensible par l’homme ordinaire, mieux intégrée aux débats publics et plus susceptible d’influencer les politiques [2]. Toutes les sciences utilisent la modélisation mais la modélisation n’est jamais neutre. Pourtant la modélisation oriente la décision et l’on oublie trop souvent que les résultats des modèles sont tributaires des hypothèses que l’on adopte pour les construire.
Or, depuis ses origines, l’économie modélisée se présente le plus souvent comme une technique de planification (à l’instar des matrices Léontieff en U.R.S.S.) ou de régulation, apportant de l’eau au moulin du dirigisme (planification autoritaire) ou de l’interventionnisme (régulation incitative).
Ce débat, déjà très ancien, a débouché en France sur une proposition de réforme de l’enseignement de la science économique face au constat de désaffection par les étudiants des filières de sciences économiques, au profit notamment des filières de formation plus appliquées en gestion et management (qui font le succès des écoles de commerce ou des I.A.E.). La critique majeure concerne l’évolution de la science économique vers une modélisation toujours plus abstraite qu’elle ne devient compréhensible que par les seuls experts alors même que les questions économiques interpellent chaque jour le citoyen. Et justement parce que le débat public baigne de considérations économiques, la science économique se doit d’être compréhensible par l’homme ordinaire, mieux intégrée aux débats publics et plus susceptible d’influencer les politiques [2]. Toutes les sciences utilisent la modélisation mais la modélisation n’est jamais neutre. Pourtant la modélisation oriente la décision et l’on oublie trop souvent que les résultats des modèles sont tributaires des hypothèses que l’on adopte pour les construire.
Or, depuis ses origines, l’économie modélisée se présente le plus souvent comme une technique de planification (à l’instar des matrices Léontieff en U.R.S.S.) ou de régulation, apportant de l’eau au moulin du dirigisme (planification autoritaire) ou de l’interventionnisme (régulation incitative).
Par exemple, la théorie contemporaine de la croissance économique s’appuie sur des modèles très élaborés qui mettent en scène un « régulateur bienveillant » dont l’objectif est de corriger les défaillances du marché. On aura compris que l’Etat moderne s’identifie totalement à ce « planificateur bienveillant ». Pourtant, ces modèles reposent sur deux hypothèses cruciales qui tendent à devenir des postulats si l’on n’y prend garde : d’une part, que les défaillances observées sont bien imputables au marché ; d’autre part, que l’agent régulateur bienveillant existe réellement.
Pour peu que l’on étudie sérieusement le fonctionnement de l’économie sur le terrain, l’on mesurera la fragilité de telles hypothèses.
Toutes les polémiques qui traversent la science économique opposent ceux qui considèrent que la « main invisible » n’existe pas à ceux qui considèrent que le « planificateur bienveillant » est une chimère.
Sans doute faut-il se résigner à admettre que ni la main invisible ni le planificateur bienveillant n’existent, ce qui n’empêche nullement le monde économique de tourner. Et pourtant elle tourne avait dit Galilée en son temps ! Et si le monde économique tourne, il faut bien développer les instruments adéquats pour le comprendre. Ou alors il tournera sans nous.
[1] Les réflexions de dix économistes sur ces questions déjà bien anciennes ont été réunies dans un ouvrage publié par Daniel Klein, professeur d’économie à Santa Clara University, en Californie sous le titre What Do Economists Contribute ? New York University Press, 1999.
[2] Lemieux P. « A quoi servent les économistes », Le Figaro-Economie du 19 janvier 2001.
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Toutes les polémiques qui traversent la science économique opposent ceux qui considèrent que la « main invisible » n’existe pas à ceux qui considèrent que le « planificateur bienveillant » est une chimère.
Sans doute faut-il se résigner à admettre que ni la main invisible ni le planificateur bienveillant n’existent, ce qui n’empêche nullement le monde économique de tourner. Et pourtant elle tourne avait dit Galilée en son temps ! Et si le monde économique tourne, il faut bien développer les instruments adéquats pour le comprendre. Ou alors il tournera sans nous.
[1] Les réflexions de dix économistes sur ces questions déjà bien anciennes ont été réunies dans un ouvrage publié par Daniel Klein, professeur d’économie à Santa Clara University, en Californie sous le titre What Do Economists Contribute ? New York University Press, 1999.
[2] Lemieux P. « A quoi servent les économistes », Le Figaro-Economie du 19 janvier 2001.
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