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mercredi 1 septembre 2010
henrirouen: festival d'île de France du 5 septembre au 10 octobre rens:0158710101.www.festivalidf.fr
henrirouen: 12 septembre/vide gre,ier Croix-Pierre à Rouen rive droite.tel:0235893211
Laurent Fignon, la mort aux trousses
«Tous mes jours sont des adieux»,
écrit Chateaubriand dans Les Mémoires. A l'occasion du Tour de France 2010, Laurent Fignon, décédé ce mardi, donnait souvent cette impression de mettre en scène ces derniers
instants. Le dernier jour, en éteignant la télé avant l’interminable
moment du podium, je lui avais dit dans ma tête: «A l’année prochaine!»
Evidemment, comme tous les spectateurs, j’avais remarqué l’aggravation
de sa maladie. Mais je pensais (j’espérais?) qu’il en avait encore au
moins pour un Tour supplémentaire. Sa voix, très caverneuse, due à son
cancer, semblait venir d’outre-tombe. Au point que, lors de la première
étape, je m’étais demandé si le son était bien réglé.
Nous,
les spectateurs, on était optimiste; on pensait qu’il avait touché le
fond et qu’il ne pouvait que remonter ensuite. Un peu comme le Tour de
France. Surtout comme ce jour de contre-la-montre au Ventoux, lors du
Tour 87, où il avait cru qu’il n’y arriverait plus.
Laurent
Fignon, évidemment, c’était un palmarès. Deux Milan-San Remo, une
Flèche Wallonne, un titre de champion de France sur route en 1984, une
cinquantaine de victoires en amateur et, surtout, deux tours de France
(1983 et 1984). Sans oublier sa grande défaite en 1989, contre Greg
LeMond, pour huit secondes. On sait à quel point les Français aiment
perdre, surtout en sport, surtout à cette époque: avec cette défaite,
il entrait dans la légende du cyclisme. Son livre, Nous étions jeunes et insouciants, où il revient sur sa carrière et les années 1980, débute par ce dialogue:
«Ah, mais je vous reconnais: vous êtes celui qui a perdu le Tour de 8 secondes!
- Non, monsieur, je suis celui qui en a gagné deux.»
D’où
son rapport ambigu avec le dopage. Contrôlé deux fois positifs aux
amphétamines lors de sa carrière, il s’en était tiré sans dommages. A
l’époque, de toute façon, tout le monde se dopait, on appelait ça le
dopage à la papa, bien loin, selon les coureurs, de l’époque des pots
belges et des manipulations sanguines d’aujourd’hui. Dans son livre, il
expliquait:
«Ce
n’était pas tricher pour tricher, mais de la tricherie sans avoir
l’impression de tricher. Acceptons une chose simple: dopé ou non, un
grand champion en forme était imbattable. Dopé ou non, un coureur moyen
ne pouvait pas battre un grand champion. C’était la loi du cyclisme. Et
c’était ça la réalité du dopage de cette époque. Rien d’autre.»
Et
l’intégralité du premier chapitre est consacré à cet événement. A
chercher des explications –valables ou pas, on ne sait pas, on n’y
était pas– que ce soit ses hémorroïdes ou le guidon spécial «non
homologué» de son adversaire américain. Surtout, finalement, il ne se
pardonnait pas à lui-même d’avoir perdu contre un coureur que,
fondamentalement, il n’aimait pas, un Greg LeMond suceur de roues,
incapable de l’attaquer en montagne. Alors que lui-même se voyait comme
un garçon avec du panache, du courage, des jours sans et des grands
jours. Quelqu’un qui court pour les gens au bord de la route, mais pour
qui le cyclisme est affaire d’offensive. Toujours dans son livre, il
estimait qu’il avait vécu la fin de l’âge d’or du cyclisme, le passage
d’une époque à une autre, d’une certaine forme de voir ce sport au plus
pur, voire dur, professionnalisme.
Ou comment s’auto-persuader qu’il était dopé mais que de toute façon, il était le meilleur et que cela ne changeait rien.
D’ailleurs, il expliquait à Libération l’année dernière que son cancer n’était pas lié à ses prises de produits dopants:
«Je
sais que la mort peut être là. Mais pour moi il n’y pas de rapport
entre dopage et maladie. Je mettrais ça sur le compte d’un manque
d’hygiène alimentaire: j’ai toujours mangé n’importe comment… Je n’ai
pas fondu en larmes en l’apprenant. Maintenant, je vais me battre comme
je l’ai toujours fait sur le vélo.»
En venant de Paris, avec ses lunettes et son bac en poche, il passait pour l’intello dans le peloton, «Il professore»
le surnommaient les Italiens. Du coup, il était parfois un peu
arrogant, et ce sentiment de supériorité, il l’avait gardé une fois
devenu commentateur. Dans son style, Père Castor raconte-nous des histoires, c’était Père Fignon, donne-nous des leçons
tous les après-midi sur France 2 et 3. Et les jeunes cyclistes en
prenaient pour leur grade, toujours accusés de ne pas suffisamment
attaquer, d’écouter trop les directeurs sportifs. De ne pas avoir de cojones
en somme. Et il s’excitait alternativement contre Schleck ou Contador.
Il cherchait la saillie qui marquerait et qui le différencierait de la
masse: quitte à s’emporter un peu, quitte à être aigri tout seul dans
son coin, puisque Thierry Adam et Jean-Paul Olivier faisaient la
plupart du temps comme s’ils ne l’entendaient pas.
Pour le spectateur,
comme le Tour était particulièrement ennuyeux cette année, c’était
plutôt plaisant. Parfois, on ne regardait plus la course, on attendait
juste que Fignon s’emporte. Non seulement «l’intello» était capable
d’être pédagogue sur une situation de course, mais en plus il avait un
avis. Chez les commentateurs sportifs, sur les grandes chaînes, quelle que
soit l’épreuve, où chacun rivalise de fadeur, de chauvinisme et
d’absence d’esprit critique, il était une exception agréable.
On
mesure la perte de quelqu’un non seulement à son parcours, mais aussi
aux gens qui restent autour de lui. Il avait ses ambiguïtés, son côté
antipathique, même –ou surtout– au sommet de sa gloire. Si j’avais été
jeune dans les années 1980, cela n’aurait sans doute pas été mon coureur
préféré. Même aujourd’hui, en se voulant donneur de leçons mais en
étant resté dans le milieu, estimant même que le pire du dopage était
derrière nous, sa position paraissait parfois décalée, anachronique.
Dans son ouvrage, il le dit lui-même: «Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui me dise les yeux dans les yeux: Je fais du cyclisme grâce à vous.» C’est normal, il était d’une époque où l’on pouvait être encore «jeune et insouciant».
Nous, nous sommes les enfants d’après, ceux du professionnalisme, de
l’EPO, des scandales. Nous n’avons pas vu d’épopées en direct à la
télévision ou au bord des routes. Point de Poulidor, de Hinault pour
notre génération. Quand nous avons cru voir ses moments de grâce, un
Virenque qui s’échappe, un Pantani qui gicle, les test anti-dopage, les
juges et les douaniers nous ont expliqué ensuite que c’était de la
triche.
Fignon,
lui, incarnait encore le monde d’avant. Sans doute le dernier Français
aussi emblématique, puisque qu’Hinault, l’autre grand coureur de
l’Hexagone des années 1980, ne sort de sa torpeur qu’une fois l’an pour
dézinguer les jeunes coureurs qui «ne se font plus mal».
Qui
nous reste-t-il après Fignon pour animer nos après-midi de juillet?
Gérard Holtz? Jean-Paul Olivier? Thierry Adam, qui met si mal à l’aise
avec son chauvinisme et changeait de sujet à chaque fois que Fignon
râlait sur l’ennui de la course? Laurent Jalabert, si bon analyste,
mais qui reste celui qui refusera toujours de reconnaître qu’il s’est
dopé, celui qui avait fui la France pour échapper aux contrôles? Ce
n’est pas très enthousiasmant.
Fignon
nous rappelait chaque jour qu’un autre cyclisme avait existé et que
l’on pouvait revenir à cette manière différente de courir, de voir la
course. Même si ce n’est sans doute pas vrai, on lui était
reconnaissant de maintenir la flamme. Malgré tous ses défauts, c’était
déjà pas mal.
Quentin Girard
Photo: Tour 1989, Laurent Fignon et Greg Lemond. REUTERS/Eric Gaillard
"Histoire du moustique
Les professeurs de biologie demandent souvent quel est
animal qui tue le plus de gens. Leurs pauvres élèves se ridiculisent en s’écriant
«l’ours gris!», «le tigre!», «le cobra !» ou même «l’hippopotame!». La bonne
réponse, bien sûr, c’est le moustique femelle –pas de fourrure, pas de crocs,
rien qu’une aiguille hypodermique ailée. Sa longueur dépasse à peine cinq
millimètres, elle a six pattes, et c’est le vecteur de maladies le plus
efficace de tout le règne animal. C’est grâce à son odorat qu’elle nous repère,
attirée par l’acide lactique et d’autres ingrédients de notre transpiration.
Elle sent aussi le dioxyde de carbone que nous expirons et arrive jusqu’à notre
visage en remontant le sillage de notre respiration. Plus on sue et plus on
halète en la chassant, plus on l’intéresse.
La plupart ne boivent pas de sang
Son apparence n’est pas répugnante. Au contraire, sa petite
taille, ses lignes pures, la longueur de ses pattes et sa fragilité lui donnent
une certaine élégance. On serait même prêt à lui donner un millilitre de sang,
malgré la démangeaison qui accompagne sa piqûre, si on ne s’inquiétait pas de
ce qu’elle peut transmettre. Parmi les nombreux agents
pathogènes qu’un moustique peut
véhiculer, le pire est le paludisme, qui tue chaque année plus d’un
million de personnes, dont les deux tiers se trouvent en Afrique
sub-saharienne, pour la plupart des enfants de moins de 5 ans.
Tenter de donner une meilleure réputation à une telle
créature n’a pas de sens. Personne n’aime les moustiques, ni les amis de ces
insectes. Pourtant, il est injuste de dire indistinctement du mal des 2.600
espèces de moustiques déjà décrites. Parce qu’il n’y en a qu’environ 80, soit
3%, qui boivent du sang humain. Sur les 2.520 variétés de moustiques
relativement irréprochables, il y en a même une qu’on aimerait voir en
expansion: celle des Toxorhynchites,
qui mangent d’autres moustiques. A l’état de larves, les Toxorhynchites
dévorent leurs cousins, puis s’en prennent à leurs frères et sœurs, continuant
souvent à les attaquer jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un seul. Ce drame se
déroule dans une minuscule nappe d’eau qui s’accumule au creux d’un arbre ou
une petite flaque du même genre. Ces moustiques, y compris l’Aedes,
qui transmet des maladies, se sont adaptés à l’environnement industriel et se
reproduisent dans des pneus usagés. Comme le savent tous ceux qui ont essayé,
il est très difficile d’évacuer l’eau d’un pneu.
Même les moustiques qui se nourrissent de sang n’en ont pas
besoin à chaque repas. En fait, ils puisent l’essentiel de leur énergie dans
les fleurs et les plantes, auxquelles ils sont utiles en les pollinisant. Le
moustique mâle, innocent mis à part le rôle qu’il joue en produisant davantage
de femelles, se nourrit en se contentant exclusivement de nectar ainsi que de
fluides issus des plantes. Une sorte de moustique qui ne s’intéresse pas à nous
est le principal pollinisateur d’une orchidée
assez jolie, la platanthère à feuilles obtuses, qui pousse dans
les marécages des forêts de l’hémisphère nord. Un autre moustique pollinise la Platanthera
integrilabia, une espèce en voie de disparition originaire des
Appalaches.
Pourquoi tous les moustiques ne peuvent-ils pas être
végétariens? Il y a des millions d’années ou davantage, un moustique primitif,
peut-être presbyte, a pu confondre un végétal et un mammifère qu’il a piqué
accidentellement, ce qui lui a donné le goût du sang. A présent, les femelles
de ces 80 espèces dangereuses ont évolué, comme les tiques, et utilisent du
sang pour produire des œufs. Le bourdonnement décidé qu’on entend à l’extérieur
(ou à l’intérieur) d’une tente de camping et lié à la survie d’une race
animale. Le sang des mammifères contient un mélange très riche de protéines, de
fer, de graisses et de sucre qui déclenche le fonctionnement des ovaires d’une
femelle de moustique. En 90 secondes à peine, elle peut aspirer jusqu’à trois
fois son poids de sang.
Pour accomplir cet exploit, elle se sert de sa trompe. Les
ciseaux rudimentaires de ses ancêtres, les moucherons, se sont agrandis et
développés sur des générations pour devenir un outil efficace permettant de
percer la peau et de boire le sang. Cette trompe est faite de deux tubes
entourés par des paires de lames coupantes. Quand elle se pose pour se nourrir,
les arêtes tranchantes glissent l’une contre l’autre, comme celles d’un couteau
électrique à découper, et fendent la peau. Pendant qu’elle cherche un petit
vaisseau sanguin pour l’entailler, son tube salivaire injecte un anticoagulant
dans l’étroit tube aspirateur pour éviter qu’il ne se bouche. Les protéines de
sa salive provoquent une réaction de notre système immunitaire –une enflure et
une démangeaison. Tous les organismes pathogènes qu’elle transporte traversent
ses glandes salivaires. A la suite d’un saut diabolique de l’évolution des
espèces, les parasites responsables du paludisme qui se multiplient dans l’intestin
de l’anophèle perturbent l’organe qui sécrète l’anticoagulant. Leur porteuse
doit donc piquer d’autres victimes pour boire la même quantité de sang, et le
plasmodium prospère.
Les premiers moustiques sont apparus il y a plus de 200 millions
d’années. Ils buvaient probablement le nectar des nouvelles plantes qui
fleurissaient ou le sang des dinosaures. (Dans le film Jurassic Park,
on a extrait de l’ADN de dinosaure d’un moustique pris dans de l’ambre.) Ils
ont dû être vraiment ravis lorsque nous sommes arrivés, environ 190 millions
d’années plus tard, presque sans fourrure et avec une peau relativement tendre.
Lucy et sa famille d’Afrique orientale ont très certainement souffert de
fièvres provoquées par des germes que véhiculaient des moustiques.
Ensuite, comme maintenant, les moustiques se sont multipliés
dans l’eau stagnante. Et bien trop vite: l’œuf de cet insecte buveur de sang
peut donner un adulte en cinq jours seulement –et ces œufs sont très nombreux.
Le moustique porteur du paludisme en pond plusieurs centaines, un par un; d’autres
espèces en font des quantités à la fois. Le vivier qui leur sert de piscine n’est
sans doute pas plus grand qu’un vieux gobelet en carton ou un couvercle de pot
de confiture et il peut être très sale –de l’eau des égouts, par exemple. Une
larve de moustique, longue d’environ huit millimètres, ressemble à un teckel
aquatique à poils durs ou, si vous préférez, à un asticot velu. Sa tête et son
corps sont suspendus à un tube respiratoire qui monte à la surface de l’eau. Au
fur et à mesure que ce tuba aspire l’air, des cils filtrent l’eau à la
recherche de protozoaires et de bactéries.
Les poissons sont nos amis
L’accouplement d’un moustique néo-zélandais correspond
exactement à la définition de la rapacité. Une fois que les larves sont
devenues des chrysalides en forme de virgule, les mâles adultes s’approchent et
attendent que d’autres femelles éclosent. Dès que l’une d’elles apparaît, un
mâle arrive et s’accouple avec elle avant que ses ailes ne soient assez sèches
pour lui permettre de s’échapper. Il existe un autre rituel d’accouplement, plus
courant et plus libre: les moustiques mâles se rassemblent et forment un nuage.
Les femelles choisissent d’y entrer ou non.
Nos alliés vivants dans la lutte contre les moustiques sont
principalement les poissons qui mangent leurs larves. A ce titre, on peut remercier
le
piranha et la
gambusie. Les larves de libellules dévorent les larves de
moustiques et les libellules adultes se nourrissent de moustiques adultes. Pour
leur part, les chauves-souris ont une réputation
meilleure que ce qu’elles méritent. En réalité, les moustiques
représentent moins de 1% de l’alimentation des chauves-souris. C’est aussi
vrai de l’hirondelle noire, même
si on l’apprécie.
Si les chauves-souris, les oiseaux et les insecticides
pouvaient éliminer tous les moustiques, ce qui est impossible, les exterminer ne
serait pourtant pas une bonne idée. Leurs innombrables larves nourrissent les
petits poissons, mangés à leur tour par les gros poissons, qui constituent la
principale source de protéines dans de nombreux pays en développement.
Naturellement, nous portons un regard anthropocentrique sur
les moustiques. On s’en préoccupe parce que ce sont les
plus mortels ennemis de l’homme. Il vaut peut-être la peine de
penser à la vie en prenant le point de vue de cet insecte. La vie d’un
moustique femelle, qui dure trois à six semaines, est loin d’être une partie de
plaisir. Boire du sang n’est pas facile; plus elle met de temps à trouver un
vaisseau sanguin, plus elle risque d’être écrasée. Et après tout, elle n’a pas
choisi de véhiculer tous ces parasites mortels. Où les trouve-t-elle? Chez
nous, tout simplement.
Nous avons passé les cinquante dernières années à chercher
un vaccin contre le paludisme, ce qui nous éviterait de le transmettre aux
moustiques et de l’attraper à cause d’eux. Il peut être plus logique de les
aider à résister à cette maladie. On a récemment achevé le séquençage du génome
de deux des espèces les plus dangereuses de moustiques. Au lieu d’utiliser ces
connaissances pour mieux les anéantir, pourquoi ne pas s’en servir pour renforcer
leur système immunitaire? On se résignerait aux enflures et aux
démangeaisons si on était sûr de ne pas avoir de fièvre ensuite.
Constance Casey
Traduit par Micha Cziffra
Photo: Aedes
aegypti / James Gathany / Domaine public
Diplomatie: la France, ni petite, ni grande: moyenne
Quelle place la France
occupe-t-elle dans la hiérarchie internationale? Ce n’est pas une «super puissance»; ce n’est pas une «petite puissance», a déclaré Nicolas
Sarkozy à la 18e conférence des ambassadeurs, le 25 août (son discours est
consultable ici).
Conclusion: c’est une puissance moyenne. Mais le chef de l’Etat n’a pas employé
le terme, sans doute jugé péjoratif. Il a répété plusieurs fois une autre
expression qui distingue les principaux acteurs internationaux en «puissances reconnues» et «grands pays émergents». Là, plus de
doute, la France fait bien partie des «puissances reconnues». Il n’est pas
difficile d’en deviner la définition. Une puissance reconnue est un Etat qui
dispose de quelques attributs particuliers: l’arme nucléaire, un siège
permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et, s’il n’est plus une
grande puissance, quelques beaux restes d’une splendeur passée.
Les «amis» émergents
La question est de savoir:
«reconnue» par qui? L’autoreconnaissance ne suffit pas. Or, ce statut de
puissance est de plus en plus contesté, notamment par le deuxième groupe d’Etats
distingué par Nicolas Sarkozy: les grands pays émergents. Le dernier exemple de
cette contestation a récemment été donné par le Brésil et la Turquie, qui ont
tenté une
méditation dans la crise du nucléaire iranien. L’accord qu’ils
s’étaient targués d’avoir trouvé avec Téhéran a été boudé
par les «puissances reconnues», mais de la part de ces dernières,
c’était plus une preuve d’impuissance que de souveraineté.
Comme il va présider l’année
prochaine le G8 et le G20, celui-ci étant précisément le forum où se retrouvent
les «puissances reconnues» et les nouveaux venus, Nicolas Sarkozy s’efforce de soigner
ses relations avec les dirigeants des pays émergents. En passant, on notera que
la Chine appartient aux deux groupes, qu’elle est la seule dans cette position
et qu’elle joue habilement de ces deux statuts.
Le président de la République
ne parvient que difficilement à ses fins. Malgré les
démonstrations d’amitié avec le Brésilien Lula ou d’autres, les
résultats se font attendre, y compris en matière de ventes d’armements dans le
cas du Brésil (des avions Rafale
qui trouveraient enfin preneurs à l’étranger). Cette proximité recherchée avec
les émergents n’a pas non plus été payée de retour lors de la conférence de
Copenhague sur le climat à la fin de l’année dernière. Nicolas Sarkozy a lancé
quelques idées pour sa présidence du G20, par exemple contre la spéculation sur
les matières premières, qui devraient plaire à ce qu’on appelait autrefois le
tiers-monde. Toutefois, l’exercice est encore plus difficile sur la scène
internationale qu’en politique intérieure. Il ne suffit pas de lancer en l’air
une multitude d’idées pour que les retombées soient au rendez-vous. Le
volontarisme a ses limites autant que ses vertus.
Un malaise grandissant
La France possède le deuxième
réseau
diplomatique du monde, après les Etats-Unis. C’est aussi l’apanage
d’une «puissance reconnue». Pourtant, du malaise qui touche l’outil
diplomatique de la France, le président de la République n’a dit mot devant les
ambassadeurs. Certes, le devoir de réserve est la règle dans ce milieu. Sauf
quelques syndicalistes, les diplomates s’expriment rarement en public. Il faut
qu’ils aient quitté leurs fonctions pour pouvoir tirer la sonnette d’alarme.
C’est qu’ont fait dans Le Monde à la veille de la conférence des ambassadeurs
trois anciens secrétaires généraux du ministère des Affaires étrangères (le
poste le plus élevé dans la hiérarchie du Quai d’Orsay). François Scheer,
Bertrand Dufourcq et Loïc Hennekine se sont inquiétés, après deux anciens chefs
de la diplomatie française, Alain Juppé (1993-1995) et Hubert Védrine
(1997-2002), des
moyens sans cesse en baisse accordés au réseau diplomatique français.
Le budget du Quai a diminué de 20% en vingt-cinq ans et les économies
continuent, alors que ce budget ne représente que 1% des dépenses de l’Etat et
0,2 du PIB. On vante officiellement, et souvent à juste titre, l’action
culturelle de la France à l’étranger, mais les trois anciens secrétaires
généraux font remarquer que la dotation des 140 centres
culturels à l’étranger est équivalente à celle de l’Opéra de Paris!
Et il ne s’agit là que de
l’aspect matériel. Le malaise touche aussi le rôle du ministère dans la
définition et la mise en œuvre de la politique extérieure. Le poids de l’Elysée
est de plus en plus pressant. Ce n’est pas une nouveauté sous la Ve République,
mais la concentration des décisions à la présidence de la République s’est
encore accentuée avec Nicolas Sarkozy.
Soyons rassurés, ce malaise
n’apparaîtra pas au grand jour quand la France présidera le G8 et le G20. Les
diplomates sont des gens trop bien élevés et trop conscients de leur mission
pour manifester quelques états d’âme que ce soit, mais si Nicolas Sarkozy, qui
ne fait pas mystère de son profond mépris pour les diplomates, veut que la
France reste une «puissance reconnue», le ministère des Affaires étrangères est
un instrument indispensable.
Daniel Vernet
Photo: Nicolas Sarkozy lors de son discours à Columbia, le 29 mars 2010. REUTERS/Lucas Jackson
"Bonne rentrée, Monsieur Trichet!
Cette première conférence de presse du président
de la BCE, ce jeudi, sera très suivie. Et pas facile pour Jean-Claude Trichet.
Il est certes habitué à jouer les équilibristes, mais pour la troisième rentrée
depuis le début de la crise, l’exercice atteint des sommets de difficulté. Car
le cadre économique général s’est brouillé au cours de l’été. Les Etats-Unis,
qui paraissaient avoir renoué avec la croissance, replongent dans le marasme. La
peur du «W», qui impliquerait une nouvelle récession, s’installe. Si elle ne se
réalise pas, c’est le spectre d’une croissance très lente, à la japonaise, qui
hante les économistes.
La croissance des pays européens, de son
côté, présente des divergences énormes. D’un côté, l’Allemagne galope à 2,2%
(croissance du deuxième trimestre 2010), grâce à la poussée de ses exportations
vers l’Asie, suivie par un certain nombre de pays. De l’autre, des pays encore
en pleine crise de la dette publique, comme la Grèce ou l’Espagne, subissent
une récession très dure et doivent parallèlement remettre leurs finances
publiques en ordre. Comme le souligne l’économiste Patrick Artus dans une
récente étude Natixis, «un important
conflit autour des orientations de politiques économiques s’annonce entre ces
groupes de pays». Ce sera encore pire en termes de politique monétaire.
Pourtant, le fait d’avoir calmé les craintes des investisseurs sur la situation
des «Pigs», les pays d’Europe les plus endettés (Portugal, Irlande, Grèce,
Espagne), avait constitué au cours de l’été un véritable exploit. Mais les taux
d’intérêt demandés à ces pays fragiles pour leur prêter des capitaux se tendent
de nouveau. Pire, les agences de notation, que chacun s’accorde à vouloir
réglementer sans le faire, menacent de nouveau: elles ont dégradé la note de
l’Irlande, et l’agence Standard&Poor’s est même allée jusqu’à menacer les
Etats-Unis, dont le déficit public, il est vrai, explose.
Tenir en équilibre
Autant dire que, même si l’Asie se porte
bien, cette nouvelle phase de la crise paraît encore plus délicate à gérer, si
possible, que les précédentes. Les autorités économiques et monétaires doivent
louvoyer entre le risque d’étouffer une croissance fuyante et celui de
mécontenter des investisseurs qui, après avoir subi un séisme, ne veulent plus
courir de risques. Jean-Claude Trichet va ainsi devoir conserver un équilibre
précaire entre des pays qui vont avoir besoin de la plus grande souplesse
monétaire pour conserver un minimum de croissance et ceux qui, parce qu’ils ont
renoué avec la croissance, voudraient voir la banque centrale européenne
revenir à une politique monétaire plus classique. Il va donc une nouvelle fois
se retrouver au centre d’un conflit entre pays à forte compétitivité –comme l’Allemagne–
et pays à faible compétitivité, qui, outre les Pigs, comprennent aussi la
France et l’Italie. Une situation plus qu’inconfortable, même si le président
de la BCE explique avec constance qu’il ne voit pas de différence entre la
situation de sa banque centrale et celle des Etats-Unis, où il peut aussi arriver
que certains Etats soient en récession tandis que d’autres sont en croissance.
En théorie, il a bien sûr raison. Sauf que le
marché unique existe réellement aux Etats-Unis et beaucoup moins en Europe: il
est plus facile à un ouvrier de l’Ohio de partir travailler en Virginie qu’à un
Italien d’en faire autant vers l’Allemagne. Surtout, le budget fédéral
américain représente des sommes à redistribuer autrement plus considérables que
le 1% du PIB européen dont est doté le budget de la Commission… Une nouvelle
fois, la relance de l’Europe économique et politique sera au cœur du problème,
alors que l’entente franco-allemande est trop faible pour que le processus
reparte vraiment.
Finalement, pour pallier tous ces dangers de
divergence, on ne peut qu’espérer que la croissance allemande soit contrainte
de ralentir un peu. Ce n’est pas certain, mais c’est possible: la Chine cherche
à freiner son rythme de croissance et à transformer son modèle en favorisant la
consommation des ménages. Auquel cas elle pourrait être moins gourmande en
biens importés d’Allemagne. L’écart enregistré en Europe serait alors moins
fort, ce qui permettrait à Jean-Claude Trichet de passer ce mauvais cap. Il est
certes déplorable de souhaiter le ralentissement de l’économie d’un partenaire
économique qui est aussi le premier client de la France, car cela signifie que
celle-ci aussi verra sa croissance ralentir. Mais ce n’est peut-être qu’à ce
prix qu’on obtiendra un rééquilibrage dans la zone euro.
Marie-Laure Cittanova
Photo: Jean-Claude Trichet, en juin 2010. REUTERS/Thierry Roge
"Naomi Campbell: la belle et les diamants bruts
La
vie ressemble décidément à Desperate
Housewives, la série américaine: dans les deux cas, il faut s’y méfier des
bonnes copines. Une langue de vipère n’est jamais loin et les crêpages de
chignons y sont légion. C’est ce que doit se dire Naomi Campbell, le
célébrissime mannequin noir, devenue figure de proue de la jet-set, à voir
enfler les effets négatifs de sa récente audition devant le Tribunal Spécial
pour la Sierra Leone (TSSL), qui tente toujours, depuis janvier 2008, de juger Charles Taylor,
l’ancien dictateur du Libéria, poursuivi –parmi onze chefs d’accusation– pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité. (à lire, Les «diamants de sang”
nourrissent les régimes africains corrompus», en
accès payant)
Flirt, ou pas flirt?
Car
ne se pose plus à propos de Naomi qu’une seule question, lancinante, dans la
presse «people» anglaise et américaine: «la panthère noire» a-t-elle, oui ou
non, «flirté» avec Charles Taylor, ce fameux 25 septembre 1997, à Pretoria,
quelques heures avant que deux émissaires du président libérien ne viennent
frapper à la porte de sa chambre d’hôtel pour lui remettre de petits diamants
bruts? Autrement dit, a-t-elle, d’une certaine manière, ne serait-ce qu’en
laissant respirer le charme de sa sculpturale silhouette, attiré à elle les
diamants, consciente que le petit homme replet, assis à côté d’elle, boucher
sanguinaire mais joli cœur, était incapable de résister à la beauté d’une
femme, et que généralement, parole de gotha, qui sait ces choses-là, il
assortissait son empressement du cadeau de quelques pierres précieuses?
C’est
ce que est venue affirmer, le 9 août, devant la cour réunie à La Haye, Carole
White, l’ancien agent du top model. Oui, Naomi avait «doucement flirté» avec
Charles Taylor durant le dîner philanthropique organisé par Nelson Mandela en
faveur de sa fondation pour les enfants (NMCF). Elle en est certaine. Carole
White était du dîner. Ainsi que l’actrice Mia Farrow et le chanteur Quincy
Jones, des sportifs et de simples milliardaires. Naomi était resplendissante,
moulée dans un long fourreau de soie blanche, la gorge rehaussée d’une croix en
diamants brillants, presque blancs aussi. Le repas avait été très gai. L’ancien
président sud-africain ne ressentait pas la fatigue, ce soir-là.
Taylor le barbare
Seule,
Graça Machel, sa future épouse, veuve de l’ancien président du Mozambique,
paraissait préoccupée. Jusqu’au bout, elle avait tenté de s’opposer à la
présence du tout nouveau président libérien, rappelant les soupçons pesant
depuis des années sur cet
aventurier américano-libérien, tant à Monrovia qu’à Freetown: viols,
assassinats, maltraitance d’enfants, contraints de former ces milices
«d’enfants-soldats» qu’on envoyait à l’assaut des troupes gouvernementales, drogués
jusqu’au yeux… Mais Nelson Mandela avait maintenu son invitation. Charles
Taylor achevait par Pretoria une tournée des capitales de l’ouest africain, il
était à Johannesburg depuis quelques jours, et une courtoisie toute
panafricaine, chère à l’ancien leader du l’ANC, commandait qu’il lui fut fait
bonne figure.
Après
le dîner, toujours à en croire la déposition de Carole White, le tyran libérien
avait demandé à Naomi où il pouvait lui faire porter des diamants, preuve que
c’était bien, entre eux, le sujet de conversation de la fin de soirée. Dans la
nuit, à l’hôtel où résidaient les invités, deux hommes s’étaient présentés à la
porte de la chambre du mannequin. «Ils
ont sorti un sac miteux, et l’ont donné à Mme Campbell et ont dit: “Voici les
diamants”.» Perfide, Carole White a ajouté: «Elle me les a montrés, elle était assez déçue car ils n’étaient pas
brillants.» Bien sûr, toutes les parties du procès ont noté que l’ancienne
partenaire de Naomi, cofondatrice de l’agence Premier Model Management, est en
guerre ouverte contre son ex-vedette des podiums. Elle la poursuit même pour
rupture de contrat devant les tribunaux londoniens. Evidemment, elle aurait
quelque intérêt à laisser entendre qu’en septembre 1997, en Afrique du Sud,
Naomi était une allumeuse aussi intéressée qu’écervelée.
Mia
Farrow n’est pas allée aussi loin dans la charge. Mais tout de même. Elle ne
sait plus si le top model était ou non assis à côté de Charles Taylor, ni si, à
table, il avait été discrètement question de diamants. Elle situe ses souvenirs
le lendemain matin, au petit-déjeuner. Entendue par la cour, le 9 août,
l’actrice américaine, qui a toujours milité en faveur des populations
africaines, a
expliqué que Naomi était arrivée, la mine gourmande, et s’était tout de
suite vantée d’avoir reçu un cadeau du président libérien. «Elle a dit qu’elle avait été réveillée dans la nuit. Des hommes ont
frappé à sa porte, ils avaient été envoyés par Charles Taylor, et ils lui avaient
donné un énorme diamant.»
De
son côté, Carole White, à la barre, a encore «grossi» un peu l’offrande faite:
c’est un «lot de cinq ou six pierres,
dont plusieurs gros diamants» que son ancien mannequin lui aurait montré.
Puis, Naomi avait, à l’en croire, débouché des Coca du mini-bar pour «les deux gardes du corps libériens». «Avant d’aller se coucher.»
Des potins à la barre
En
1997, cette histoire, très vite répercutée, avait alimenté les potins du
show-biz et des milieux de la mode internationale. L’irrésistible Naomi
Campbell s’était vue offrir «un énorme diamant»! Ou «plusieurs gros diamants» –on
n’était pas sûr du nombre, ni de la grosseur. Tout le monde avait simplement
pensé que cette rocambolesque aventure entrait bien dans la destinée flamboyante
du mannequin anglais: sa beauté, son tempérament de femme libérée, son statut
de sex-symbol de l’hyper-luxe et de la fête nocturne, entre Miami Beach et le
VIP-Room, la boîte-phare de Saint-Tropez, appelaient presque naturellement de
tels présents. L’anecdote était amusante. Certainement pas dramatique. Dans le
monde que fréquentait assidûment Naomi, le don de pierres précieuses est une
pratique assez courante, à ranger parmi les préliminaires sexuels ou
sentimentaux. Et puis, ça tient mieux que les fleurs. Personne, dans la
jet-set, n’avait donc pensé à mal. Charles Taylor y était un inconnu. Comme ses
«diamants du sang». A peu près comme ses crimes, pourtant de plus en plus
nombreux, entre le Liberia et la Sierra Leone.
Un
jour, cependant, l’avocate générale du TSSL, l’Américaine Brenda Hollis, a
entendu parler de la soirée de Pretoria, des deux gardes du corps, à la porte
de la chambre, et du sac contenant les diamants. La magistrate se moquait bien
de savoir si le top-model avait pu «flirter» avec l’accusé. Lui importait
surtout de pouvoir conforter la preuve que le chef de guerre, devenu président
du Liberia, vendait ou échangeait des gemmes contre des armes, destinées au RUF
(Front révolutionnaire uni), mouvement rebelle, particulièrement violent, du
Sierra Leone, qu’il commandait en sous-main. Après une décennie de guerre au
Liberia, qui avait entraîné la mort de 400.000 civils et provoqué la
déplacement de deux millions de personnes, Charles Taylor avait exporté
l’horreur dans le pays voisin. Son objectif, selon l’accusation: les richesses
diamantifères du Sierre Leone.
L’équipe
d’enquêteurs avait établi que, fin septembre 1997, il s’était en fait rendu à
Johannesburg pour des achats d’armes clandestins. Certains de ses
collaborateurs et de ses gardes du corps avaient été retournés, qui avaient
raconté la soirée de charité. Ainsi savait-on que deux hommes étaient retournés
à Johannesburg, distante d’une soixantaine de kilomètres, pour y prendre les
pierres de Naomi, avant de regagner l’hôtel de Pretoria, et d’y frapper, fort
tard, à la porte de la jeune femme.
Depuis
le début du procès, en 2008 –le dictateur, en fuite, avait été arrêté au
Nigeria, le 29 mars 2006–, l’accusation connaissait le schéma criminel à
relater devant la Cour de justice. Restait à présenter le témoignage du top-model,
qui avait tenu quelques-uns de ces «diamants du sang», au creux de sa jolie
main. Si Mia Farrow et Carole White, quoique pour des raisons différentes,
s’étaient empressées d’accepter l’idée de se rendre à La Haye, pendant plus
d’un an, Naomi s’est défilée.
Un procès à glisser dans son emploi du temps
Trop
occupée. Calendrier chargé. Défilés, fêtes, contrats publicitaires. New York,
Londres, Monaco. Son nouveau fiancé, le milliardaire russe Vladimir Doronin,
qui voulait bien l’épouser, mais qui était déjà marié, ce qui occasionnait déjà
bien des désagréments avec la presse «people». D’autres dîners, caritatifs,
ceux-là, car Naomi, ces dernières années, s’était mise aussi à courir le monde
pour les causes les plus nobles. Alors, au printemps 2010, avait proposé Brenda
Hollis, en clôture de la centaine de témoignages d’anciens soldats du Liberia
et de la Sierra Leone? Non, pas au printemps, avait répondu Naomi. Au
printemps, le 25 mai, elle devait fêter
son 40e anniversaire à l’Hôtel du Cap, à Antibes. Même Jennifer Lopez
avait promis de venir. Au programme aussi, balade en yacht, au large de Cannes,
livrée au Festival de cinéma…
L’avocate
générale du TSSL s’est finalement agacée. Elle a menacé Naomi Campbell,
mannequin de son état, d’une inculpation pour «parjure». La Cour, à La Haye,
était disposée à infliger quelques mois de prison ferme à cette femme en vue.
Même au TSSL, composé de juges du Sierra Leone, «dépaysés» aux Pays-Bas, depuis
2007, pour des raisons de sécurité, on savait que le top model, au caractère
très impulsif, avait déjà été poursuivi, à New York ou à Londres, pour des
agressions –une employée de maison, un chauffeur de taxi, un commandant de bord
de la British Airways, des policiers… Quand elle a les nerfs en pelote, Naomi
lance facilement ce qui lui passe sous la main. Avec un parjure, on frisait la
récidive.
L’impétueuse
a finalement obtempéré. Sa chevelure de jais sagement retenue, ses formes
bridées par un respectable tailleur crème, Naomi s’est présentée, le 5 août,
devant la Cour et un aréopage de journalistes. De mauvaise grâce, évidemment.
En gratifiant le tribunal d’un récit minimaliste, vide de tout glamour. Avant
de venir à Pretoria, par affection pour le vieux président sud-africain,
qu’elle vénère, elle ignorait tout du Liberia, de la Sierre Leone, et du prix
versé en vies humaines pour les «diamants du sang». Elle aurait été bien
incapable de situer les zones de guerre sur la carte de l’Afrique.
Elle
connaissait déjà la teneur des déclarations à venir de ses deux «copines»,
Carole et Mia, qui allaient être citées à comparaître après elle. Tout le
milieu en faisait ses gorges chaudes. Comme la presse «people». Le match à
distance promettait. Bien coaché par son agence de communication, Naomi s’est
employée à éloigner toute idée de «flirt» avec Charles Taylor. D’ailleurs, elle
n’était même pas assise à côté de lui. Mais entre Nelson Mandela et Quincy
Jones. La place d’honneur. C’était normal. Pendant le dîner, il a été question
de la collecte de fonds nécessaire à la NMCF, l’œuvre pour les enfants.
Tout ce qui ne brille pas...
La
suite, a insisté Naomi, est toute bête. Pendant la nuit, elle a été réveillée
par deux hommes, qui ont frappé à sa porte. Ils lui ont remis une petite
bourse, presque sans rien dire. Surtout sans prononcer le nom de Charles
Taylor. Elle est allée se recoucher. Ce n’est que le lendemain qu’elle a ouvert
la bourse, découvrant de petites pierres «à
l’aspect sale». Vaguement déçue, ou choquée, Naomi. «Je reçois des cadeaux tout le temps,
a-t-elle ajouté, à toutes les heures de
la nuit; c’est normal pour moi de recevoir des cadeaux.» Bon, là, elle s’oubliait
un peu. Elle dérapait. Filait se réfugier psychologiquement dans les usages de
la jet-set, qu’elle maîtrisait mieux que les comparutions devant la justice pour
crimes contre l’humanité. «J’ai l’habitude de voir des diamants brillants, dans
un écrin, vous savez.» Et, là, l’offrande mystérieuse ressemblait trop à de vulgaires
cailloux.
Heureusement
pour Naomi, il y a eu le petit-déjeuner. Le nom du chevalier servant a été
prononcé, par elle ou par l’une de ses deux compagnes, qu’importe. L’évidence
s’est imposée: Naomi ne pouvait pas conserver ces pierres. Elle les a remises
au directeur de la NMCF – lequel, curieusement, ne les rendues que récemment à
la police, avant de présenter
sa démission de la fondation.
Cette
vieille histoire est revenue comme un boomerang au joli visage de Naomi. Depuis
son passage devant le TSSL, elle se débat furieusement. Naomi et «les diamants
du sang». Tous ceux, dans la presse ou parmi les leaders d’opinion de la
high-society, que «la panthère noire» insupporte, se sont mis à mêler son nom à
la barbarie africaine. Un comble, s’insurge-t-elle. «Je suis une femme noire qui a soutenu et qui soutiendra toujours les
bonnes causes, en particulier en ce qui concerne l’Afrique», plaide-t-elle
à longueur de communiqué.
Elle
a engagé d’autres conseillers, et des avocats. Ce funeste dîner de Pretoria
risque de la poursuivre. Le récit de la nuit figure même en bonne place sur des
sites consacrés aux bijoux de luxe.
Les
pierres précieuses ne sont pas toujours innocentes. Mais qu’y peut-elle? Elle
l’a dit, répété: pour elle, les diamants sont brillants. C’est-à-dire honnêtes.
Inertes. D’ailleurs, quand elle a quitté le TSSL, le 5 août, elle a filé
rejoindre son fiancé, en Sardaigne, où elle était l’invitée du joillier Fawaz
Gruosi, en compagnie d’autres stars, comme Janet Jackson. Pendant la traversée
en bateau, elle a retrouvé Leonardo di Caprio, et sa fiancée, le top model
israélien Bar Rafaeli, l’acteur qui a été l’interprète de Blood Diamond,
le film sur le trafic de pierres sanglantes, en Afrique.
Philippe Boggio
Photo: Naomi Campbell lors de son audition à La Haye. REUTERS/Special Court for Sierra Leone
Israël-Palestine: l’art des faibles espérances
C’est en 2003, alors que le
gouvernement américain venait, une fois encore, d’essayer de relancer le processus
de paix israélo-palestinien, que le président George W. Bush a prononcé la
phrase fatidique. L’une de ces phrases ridicules dont il a le secret, et qui ne
cesseront jamais de le poursuivre; une phrase que la postérité classera sans
doute parmi les célèbres «bushismes».
Le président venait de participer à un sommet pour la paix au Moyen-Orient, et quittait
la Jordanie à bord d’Air Force One, lorsqu’il délivra ce pronostic solennel: il
avait bon espoir d’assister à la création d’un Etat palestinien «d’ici deux
ans». Depuis, pour une raison ou pour une autre, le délai est toujours de deux
ans: en 2009, Obama
nous a fait la même promesse.
Mais en 2003, Bush faisait
simplement preuve d’un optimisme prudent – ou, pourrait-on dire, d’un
pessimisme sans prétention. Obama, lui, s’apprête
à relancer pour la énième fois les «pourparlers directs»
entre Israël et la Palestine. Et il promet désormais de résoudre le conflit non
en deux, mais en une année seulement. Bush a un jour déclaré qu’il était le
«grand spécialiste des faibles espérances». Une telle formule ne peut bien
évidemment pas s’appliquer à son successeur, le président de La
Promesse.
Les faibles
espérances ne sont donc plus, aujourd’hui, l’apanage du président, mais
celui des législateurs, des experts, des commentateurs, des journaleux, des
spécialistes de com’ politique, et de tout autres observateurs désireux de
décrypter le non-évènement annoncé. Seuls un ou deux
journalistes font montre d’un prudent
optimisme de rigueur. Les Palestiniens disent
qu’ils sont prêts à «faire un essai d’un mois». Les Israéliens signalent
qu’ils ont «besoin d’un véritable partenaire» côté palestinien. Personne ne
tente d’évaluer les chances de réussite des pourparlers – pas même Yossi
Beilin, architecte des accords d’Oslo, maître artisan de la paix et éternel
optimiste (bien qu’il prétende
le contraire). Interrogé par le New York Times, Beilin a affirmé
que l’administration Obama avait tort de se fixer une échéance d’un an: «la
paix n’est pas pour dans un an (ou deux, ou trois); c’est absolument
impossible». Il se montre encore plus critique envers les pronostics
gouvernementaux dans les interviews accordées aux médias israéliens. Personne
ne croit à la réussite des pourparlers – personne, sauf la «Team Obama».
Les Américains comptent sur
l’effet de surprise:
au lieu de promettre d’instaurer la paix tant espérée dans un délai de deux ans,
ils essaieront de «régler toutes les questions ayant trait au statut final (…)
d’ici un an». Les délais n’étant jamais respectés, autant viser très haut. Il y
a un an, lorsque le représentant spécial George Mitchell a rencontré le
président israélien Shimon Peres dans l’espoir –Ô surprise– de relancer les
pourparlers israélo-palestiniens, j’avais
fait part de mes nombreux doutes sur Slate. L’article
s’ouvrait sur une citation de Peres:
«Nous
devons prendre un nouveau départ et relancer les négociations avant la fin du
mois de septembre», a déclaré Peres. Comme si le mois septembre avait une
importance particulière. Le «nouveau départ» n'a pas été pris en août, en
juillet, en juin, et mai ou en avril; en quoi septembre 2009 sera-t-il
différent?
Laissez-moi donc ajouter: en quoi
septembre 2010 sera-t-il différent?
Les Américains disent que le
moment est propice. Peut-être l’est-il pour l’administration Obama (même si
l’on a du mal à comprendre pourquoi), mais les autres partis sont sans doute
loin d’être de cet avis. Israël et son premier ministre, Benjamin Netanyahou,
estiment que l’Iran est une priorité autrement plus urgente, et que le problème
palestinien peut attendre; par ailleurs, ils ne perçoivent aucun interlocuteur
sérieux côté palestinien. L’Autorité palestinienne et son président, Mahmoud
Abbas, ont été traînés à la table des négociations à leur corps défendant; ils
semblent peu disposés à céder le moindre pouce de terrain. Netanyahou n’a,
selon eux, pas la moindre intention de négocier, et il leur faut composer avec les
critiques du Hamas, de la Syrie et d’autres acteurs régionaux – ce qui n’est
pas chose aisée.
«De fait, il existe un véritable
déficit de confiance, et il va nous falloir trouver un moyen de le surmonter», explique
Dennis Ross, conseiller du président et spécialiste de longue date des
relations avec le Moyen-Orient. Netanyahou et Abbas ne se font pas confiance,
mais ils ont également des doutes quant au médiateur américain, à la méthode
choisie pour mettre fin au conflit, au moment choisi pour la tenue des
négociations, et à la probabilité d’atteindre les objectifs fixés. En somme,
voici deux véritables spécialistes des faibles espérances.
Ces faibles chances de réussite
peuvent être expliquées de multiples manières. «Les Israéliens et les
Palestiniens abordent les pourparlers du mois prochain en s’appuyant sur des
hypothèses de travail divergentes» serait une façon
de présenter les choses. On pourrait également dire
que «rien n’indique que les Palestiniens acceptent tout accord leur
garantissant moins qu’un Etat viable doté d’un territoire contigu en
Cisjordanie (et, plus tard, à Gaza). (…) Rien n’indique que le gouvernement
israélien accepte tout accord leur garantissant plus qu’un “Etat” symbolique,
uniquement constitué de bantoustans isolés». Votre analyse dépendra du camp que
vous estimez responsable de l’échec à venir: les Israéliens, trop
va-t-en-guerre et hésitants? Les Palestiniens, intraitables mais trop fragiles
pour gouverner? Les pays arabes, «roublards»
et sans attaches? Ou ces naïfs d’Américains, par trop incompétents?
Toutes ces explications
comportent une part de vérité –et toutes sont proprement accablantes pour ceux
dont le destin est irrémédiablement lié à la saga du processus de paix. Lorsqu’une
«avancée décisive» a été réalisée, et que les «pourparlers directs» ont enfin
été annoncés, la nouvelle (visiblement importante) n’a même pas fait la une de
tous les quotidiens israéliens. Les pourparlers? Du déjà-vu, du réchauffé; quel
intérêt?
Loin d’arranger les choses,
l’opinion arabe vient au contraire assombrir le tableau. Selon une récente
étude, 94% des Arabes estiment que la paix «est impossible»
ou qu’il faudra «plus de temps» pour y parvenir. Seuls 4% d’entre eux disent
croire à la signature d’un accord de paix d’ici cinq ans.
Il fut un temps où les faibles
espérances étaient justifiées; on nous disait même
qu’elles étaient la clé
du bonheur. Quand revoyons-nous nos attentes à la baisse? Lorsque
nous espérons que notre humilité nous aidera à atteindre nos objectifs, ou lorsque
nous espérons être agréablement surpris par un avenir plus radieux que prévu.
Mais le processus de paix israélo-palestinien semble échapper à ces modèles; il
est l’anomalie, l’un des rares cas où les faibles espérances n’ont aucun rôle à
jouer, ne dissimulent aucun objectif, ne cachent aucune attente secrète. Dans
ce cas précis, si les espérances semblent faibles, c’est sans doute parce qu’elles sont à l’image de la
dure réalité. L’ancienne stratégie des faibles espérances n’a plus cours; elle n’est
qu’une victime de plus de ce conflit sans fin. Voilà au moins une bonne raison
d’espérer que ces pourparlers aient bien lieu.
Shmuel Rosner
Traduit par Jean-Clément Nau
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