mercredi 1 septembre 2010

Diplomatie: la France, ni petite, ni grande: moyenne

Diplomatie: la France, ni petite, ni grande: moyenne: "

Quelle place la France

occupe-t-elle dans la hiérarchie internationale? Ce n’est pas une «super puissance»; ce n’est pas une «petite puissance», a déclaré Nicolas

Sarkozy à la 18e conférence des ambassadeurs, le 25 août (son discours est

consultable ici).

Conclusion: c’est une puissance moyenne. Mais le chef de l’Etat n’a pas employé

le terme, sans doute jugé péjoratif. Il a répété plusieurs fois une autre

expression qui distingue les principaux acteurs internationaux en «puissances reconnues» et «grands pays émergents». Là, plus de

doute, la France fait bien partie des «puissances reconnues». Il n’est pas

difficile d’en deviner la définition. Une puissance reconnue est un Etat qui

dispose de quelques attributs particuliers: l’arme nucléaire, un siège

permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et, s’il n’est plus une

grande puissance, quelques beaux restes d’une splendeur passée.


Les «amis» émergents


La question est de savoir:

«reconnue» par qui? L’autoreconnaissance ne suffit pas. Or, ce statut de

puissance est de plus en plus contesté, notamment par le deuxième groupe d’Etats

distingué par Nicolas Sarkozy: les grands pays émergents. Le dernier exemple de

cette contestation a récemment été donné par le Brésil et la Turquie, qui ont

tenté une

méditation dans la crise du nucléaire iranien
. L’accord qu’ils

s’étaient targués d’avoir trouvé avec Téhéran a été boudé

par les «puissances reconnues»
, mais de la part de ces dernières,

c’était plus une preuve d’impuissance que de souveraineté.


Comme il va présider l’année

prochaine le G8 et le G20, celui-ci étant précisément le forum où se retrouvent

les «puissances reconnues» et les nouveaux venus, Nicolas Sarkozy s’efforce de soigner

ses relations avec les dirigeants des pays émergents. En passant, on notera que

la Chine appartient aux deux groupes, qu’elle est la seule dans cette position

et qu’elle joue habilement de ces deux statuts.


Le président de la République

ne parvient que difficilement à ses fins. Malgré les

démonstrations d’amitié
avec le Brésilien Lula ou d’autres, les

résultats se font attendre, y compris en matière de ventes d’armements dans le

cas du Brésil (des avions Rafale

qui trouveraient enfin preneurs à l’étranger). Cette proximité recherchée avec

les émergents n’a pas non plus été payée de retour lors de la conférence de

Copenhague sur le climat à la fin de l’année dernière. Nicolas Sarkozy a lancé

quelques idées pour sa présidence du G20, par exemple contre la spéculation sur

les matières premières, qui devraient plaire à ce qu’on appelait autrefois le

tiers-monde. Toutefois, l’exercice est encore plus difficile sur la scène

internationale qu’en politique intérieure. Il ne suffit pas de lancer en l’air

une multitude d’idées pour que les retombées soient au rendez-vous. Le

volontarisme a ses limites autant que ses vertus.


Un malaise grandissant


La France possède le deuxième

réseau

diplomatique
du monde, après les Etats-Unis. C’est aussi l’apanage

d’une «puissance reconnue». Pourtant, du malaise qui touche l’outil

diplomatique de la France, le président de la République n’a dit mot devant les

ambassadeurs. Certes, le devoir de réserve est la règle dans ce milieu. Sauf

quelques syndicalistes, les diplomates s’expriment rarement en public. Il faut

qu’ils aient quitté leurs fonctions pour pouvoir tirer la sonnette d’alarme.

C’est qu’ont fait dans Le Monde à la veille de la conférence des ambassadeurs

trois anciens secrétaires généraux du ministère des Affaires étrangères (le

poste le plus élevé dans la hiérarchie du Quai d’Orsay). François Scheer,

Bertrand Dufourcq et Loïc Hennekine se sont inquiétés, après deux anciens chefs

de la diplomatie française, Alain Juppé (1993-1995) et Hubert Védrine

(1997-2002), des

moyens sans cesse en baisse
accordés au réseau diplomatique français.

Le budget du Quai a diminué de 20% en vingt-cinq ans et les économies

continuent, alors que ce budget ne représente que 1% des dépenses de l’Etat et

0,2 du PIB. On vante officiellement, et souvent à juste titre, l’action

culturelle de la France à l’étranger, mais les trois anciens secrétaires

généraux font remarquer que la dotation des 140 centres

culturels à l’étranger
est équivalente à celle de l’Opéra de Paris!


Et il ne s’agit là que de

l’aspect matériel. Le malaise touche aussi le rôle du ministère dans la

définition et la mise en œuvre de la politique extérieure. Le poids de l’Elysée

est de plus en plus pressant. Ce n’est pas une nouveauté sous la Ve République,

mais la concentration des décisions à la présidence de la République s’est

encore accentuée avec Nicolas Sarkozy.


Soyons rassurés, ce malaise

n’apparaîtra pas au grand jour quand la France présidera le G8 et le G20. Les

diplomates sont des gens trop bien élevés et trop conscients de leur mission

pour manifester quelques états d’âme que ce soit, mais si Nicolas Sarkozy, qui

ne fait pas mystère de son profond mépris pour les diplomates, veut que la

France reste une «puissance reconnue», le ministère des Affaires étrangères est

un instrument indispensable.


Daniel Vernet


Photo: Nicolas Sarkozy lors de son discours à Columbia, le 29 mars 2010. REUTERS/Lucas Jackson

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