Esclavages et abolitions en terres d'Islam: "Extrait de l'avant-propos
Ce travail d'anthropologie et d'histoire ne défend aucune thèse, sinon l'idée que l'esclavage comme réfèrent peine à disparaître de l'imaginaire religieux - et parfois de la réalité - dans les pays dits musulmans, notamment parce qu'aucune institution du droit musulman ne peut être considérée comme abrogée, même si elle est tombée en désuétude. C'est pourquoi il serait plus exact de parler de «libération collective» ou d'«affranchissement général» plutôt que d'abolition. Les termes arabes pour désigner la suppression de l'esclavage : «fermer la porte de l'esclavage» (sadd bâb ar-riqqiyya) ou «"dénouer" l'esclavage» (fakk ar-riqqiyya) ont d'ailleurs été forgés vers la fin du XIXe siècle.
Les arguments invoqués pour justifier cette suppression relèvent de constructions a posteriori car, le principe d'inégalité sociale entre les hommes demeurant, on ne trouve dans le Coran aucune recommandation générale en faveur de l'abolition de l'esclavage. Certes, le Livre initie des avancées notables, notamment en matière d'affranchissement, mais le principe de l'esclavage lui-même et sa légitimité demeurent intouchés. J'examine à ce propos les écrits bien dérangeants de Muhammad Qutb, Frère musulman historique, qui tente de répondre à l'interrogation suivante : pourquoi le Coran n'a-t-il pas clairement interdit l'esclavage comme il l'a fait pour la boisson, les jeux de hasard et l'usure ? La nécessité de l'élimination de l'esclavage n'est donc apparue que sous les pressions de l'Occident ; et elle n'a été rendue possible que grâce aux ruses jurisprudentielles des docteurs de la foi. Au demeurant, en Occident, l'idée d'abolition appliquée à la condition servile n'avait guère plus d'ancienneté. Le décret d'émancipation des esclaves signé par le bey de Tunis en 1846 anticipe d'ailleurs de dix-sept ans l'abolition aux États-Unis (1863) et de quarante-deux ans celle du Brésil (1888)."
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