Un marché noir du thon, qui pèserait jusqu’à 4 milliards de dollars, est montré du doigt par une étude publiée Dimanche. Celle-ci accuse les gouvernements de collaborer avec le secteur de la pêche et en particulier la France.
L’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists), un réseau mondial de journalistes d’enquête, a publié, après 7 mois d’investigation une troublante enquête qui pointe à quel point l’industrie du thon rouge en Méditerranée a navigué et navigue encore parfois en eaux troubles.
L’enquête met en cause dix pays, notamment la France, qui est accusée d’être de mèche avec le secteur pour maquiller les chiffres concernant la pêche du thon afin d’alimenter un marché particulièrement lucratif … En outre, cette enquête démontre que malgré des améliorations et des efforts de contrôle, rien n’est réglé et que les pratiques illégales perdurent.
Jusqu’en 2008 : triches, infractions … avec la bénédiction de l’administration française
Non déclarations de captures, sous déclarations, quotas papiers, utilisations d’avions « renifleurs » interdits, captures de poissons en sous taille, pillage du poissons dans les eaux d’Afrique du Nord où les contrôles sont absents … toute la chaine, du pêcheur jusqu’aux marchés japonais, était touchée par ces pratiques criminelles jusqu’en 2008…
L’enquête de l’ICIJ,et notamment les témoignages provenant de l’industrie de la pêche, montre que les fraudes étaient orchestrées entre les représentants de l’industrie basés à Sète et Marseille et l’administration des pêches et le ministère de l’Agriculture … En toute impunité!
A partir de 2008 un système de traçabilité a été mis en place, mais l’enquête démontre que celui ci n’est pas efficace, rempli de failles, et qu’il ne permet pas de mettre fin aux pratiques illégales.
Alors que la France et les autres pays méditerranéens se vantent de leur système de contrôle, l’enquête vient démontrer que la pêcherie reste incontrôlable et que malgré les millions d’ euros dépensé pour militariser la surveillance, avec 1 200€ à la tonne dépensée par les états européens en 2010, le marché noir et la triche continuent.
Petits arrangements … entre amis
Les journalistes d’ICIJ ont eu les plus grandes difficultés pour entendre les témoignages des administrations, le ministère français de l’Agriculture et de la pêche a refusé à plusieurs reprises de répondre aux questions sur le sujet… Ce silence est significatif de l’omerta qui règne sur le monde du thon rouge. Une partie des données reste aujourd’hui encore inaccessible, l’opacité régnant…
Tous les ans, l’administration des pêche ajustait les captures qui lui étaient reportées pour qu’elles ne dépassent pas les quotas allouées à la France. On s’arrangeait entre amis, entre administration, politiques et industrie pour que rien ne paraisse : la France fermait les yeux, couvrait les fraudes et finançait les tricheurs.
Les témoins expliquent au journalistes que lorsque l’Iccat a mis en place le système des BCD, les documents pour assurer la traçabilité, les moyens de tricher se sont perfectionnés : l’usage de la vidéo devenu obligatoire lors des transferts est ainsi détourné. Car il est facile d’arrêter de filmer pendant qu’une partie du poisson passe de la senne à la cage de transport, ou de réutiliser une vieille bande vidéo pour une nouvelle capture.
La conférence de l’ICCAT approche : l’occasion d’agir !
L’Europe s’est fixé comme objectif la reconstitution des écosystèmes marins avant 2020. Or si l’on se réfère aux scientifiques, pour atteindre un objectif de reconstitution du stock de thon rouge en 2020, le quota maximum ne doit pas dépasser 6 000 tonnes et c’est précisément ce que recommande la Commissaire à la pêche Mme Damanaki.
Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’Écologie, a reconnu lundi 8 novembre qu’afin de respecter l’engagement de l’Union européenne pris la semaine dernière à Nagoya, l’Iccat doit donner 100 % de chance de reconstitution du stock de thon rouge d’ici à 2020.
Cette dissension interne au Gouvernement montre que sur les questions de biodiversité et de respect de ressources naturelles, Bruno Le Maire se place toujours du mauvais côté. Pour rester cohérente avec ses engagements internationaux, la France doit être unie pour sauver le thon rouge. Il faut qu’au plus haut niveau de l’État ce conflit soit arbitré en faveur de la sauvegarde de l’espèce
Du 17 au 27 novembre prochain, se tient à Paris la conférence de l’Iccat, qui doit prendre les mesures de gestion qui pourront garantir l’avenir de cette espèce. La France est le pays hôte de cette conférence, elle doit donner l’exemple !
Lire l’intégralité de l’enquête de l’ICIJ
Suivez la campagne : www.greenpeace.fr/thon-rouge
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