samedi 4 septembre 2010

Délices méditerranéens

Délices méditerranéens: "

Les

joyaux de la Méditerranée à Saint-Jean-Cap-Ferrat


Déclinaison de légumes des paysans, risotto à

l’encre de seiche, palourdes et parmesan, saint-pierre parfumé au sel de

romarin, copeaux de truffes et artichauts violets, abricot meringué aux

senteurs de basilic… Les préparations de Didier Aniès, Meilleur Ouvrier de

France en 2000, nommé chef du Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat au début 2009, fleurent bon la Méditerranée et

les joyaux de la nature de l’arrière-pays niçois.


Ancien chef du Cagnard, sur les hauteurs de

Cagnes-sur-Mer, et de l’Hôtel Mirabeau à Monaco, Aniès, fils d’un modeste

vigneron de Limoux, a décroché une étoile, à peine en poste dans les

somptueuses cuisines de ce palace de légende dont la coupole centrale a été

réalisée par Gustave Eiffel. Le trésor du Grand Hôtel, dressé sur une colline

descendant vers la mer par des sentiers de fleurs et senteurs, c’est la piscine

turquoise à débordements sur la méditerranée et le restaurant les Dauphins. Une

situation d’exception sur la Riviera, du rêve, de la beauté, du confort, et un

personnel abondant: 280 employés pour 73 chambres et suites –un record mondial.

En mai 2006, le Grand Hôtel du Cap Ferrat a été classé pour le service meilleur

hôtel d’Europe et second dans le monde par la revue Traveland and Leisure. Pas

rien.


Athlétique, le regard d’acier, l’accent chantant,

Aniès s’est vu confier la mission de réinventer la cuisine de ce palace cher à

Charlie Chaplin et de présenter un répertoire gourmand bien à lui, personnalisé

–à cent lieues de la cuisine de grand hôtel des années 1960, figée dans un

corpus de recettes d’hier et d’avant-hier. Non à la terrine du chef et ses

toasts, non à l’escalope de veau milanaise, au riz pilaf et langouste, à la

sole pommes vapeurs et gâteau Opéra.


Quand ces ritournelles culinaires sont bien

exécutées, elles ne sont pas à dédaigner, dira-t-on avec raison. De plus, au

Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat, il n’y a que 2% de Français, 30 à 50% de

Russes et le reste vient des quatre coins du globe, Anglo-Saxons en tête.

Donnons à ces pensionnaires étrangers des nourritures simples, identifiables,

dépourvues de toutes recherches et d’empreintes locales –après tout, il s’agit

de ne pas les dérouter. Commode et sans souci.


Tout cela est bel et bon, mais ne pouvait

coïncider avec la philosophie, la façon de faire son métier du chef Anies. Il

tient à informer sa direction:


«Ma

cuisine va refléter les ressources du pays, de la mer et des marchés. Elle sera

signée de moi, et je revendiquerai toutes les innovations, les références à la

tradition locale, et les saisons. Rien ne viendra de Rungis, croyez-moi. Et

l’on sentira dans les assiettes l’air de Saint-Jean et mes coups de cœur.»



Par chance, le Grand Hôtel dispose, depuis sa

formidable rénovation –80 millions d’euros injectés– de trois restaurants et de

70 cuisiniers, pâtissiers, boulangers… Pas question pour leur chef de les décevoir,

de jouer petit bras –il s’agit de les motiver et de les éblouir.


Ainsi, à la Véranda, deuxième table du palace,

Aniès envoie la salade niçoise (29 euros), l’exquise salade de poulpes, pommes

de terre et haricots verts (28 euros), les spaghetti aux palourdes (26 euros),

le risotto carnaroli de crevettes et parmesan (34 euros), le saumon mi-cuit au

fenouil et mesclun (28 euros) et le jubilé de fruits rouges, glace vanille (20

euros).


«Les

gamberoni (grosses crevettes) du Golfe de Gênes, les rougets magnifiques des

côtes, le pageot, le loup de mer, les courgettes violon et les artichauts

violets mis en œuvre à la Véranda et au Club des Dauphins, près de la piscine,

sont les mêmes produits utilisés au Cap, le restaurant étoilé de l’hôtel,
confie Didier Aniès, bien heureux d’avoir reçu

des oronges (champignons) qu’il va dresser en carpaccio. Les produits ont le goût authentique de ce qu’ils sont.»



«Tout

est dans la fraîcheur»
,

ajoute-t-il en contemplant la côte de veau de 600 grammes qu’il va cuire au

sautoir, parfumée à la truffe et aux aubergines. Le sudiste Aniès, ancien bras

droit du valeureux Jean-François Issautier, ex-deux étoiles à

Saint-Martin-du-Var, est de la race des Robuchon, Ducasse et Blanc (à Vonnas,

Ain). Que ce soit pour saisir des moules marinières, un steak au poivre, un

agneau de l’Allaiton en croûte d’olives ou pour lisser la fameuse purée au

beurre, ou cuire le merlan Colbert, le grand cuisinier travaille sa manière, sa

gestuelle avec autant de doigté, de respect, de sens des goûts.


C’est une question d’éthique, nourrir les humains

de son mieux reste une tâche noble ô combien, par ces temps de malbouffe. Cela

dit, au Cap, sous les étoiles du ciel, en lisière du superbe jardin botanique,

laissez-vous tenter par la fine lasagne au caviar d’Aquitaine et jeunes

poireaux à l’huile d’olive: c’est le chef-d’œuvre du chef Anies qui lui a valu

de porter le col bleu blanc rouge de Meilleur Ouvrier de France –une

réjouissance de bouche inoubliable.



  • Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat. 71 boulevard du Général de

    Gaulle. Tél.: 04 93 76 50 50. Chambres à partir de 300 euros. Pas de fermeture.

    Restaurant le Cap de 120 à 160 euros, la Véranda de 70 à 90 euros, le Club des

    Dauphins de 80 à 100 euros.



Les

mésaventures culinaires de la Chèvre d’Or à Eze


Ah l’humeur vagabonde des chefs de cuisine! Au

début 2010, Didier Eléna, enfant de Monaco, disciple d’Alain Ducasse, accepte

le poste envié de chef de la Chèvre d’Or, un fantastique Relais&Châteaux

dissimulé dans la colline rocailleuse du minuscule village d’Eze, à une dizaine

de kilomètres de Nice. Le site historique, à 500 mètres au-dessus de la

méditerranée, est un véritable promontoire entre ciel et mer –au loin l’horizon

liquide, à vos pieds le littoral, les plages de Saint-Jean-Cap-Ferrat et

Beaulieu: sidérant de beauté. L’endroit est comme un nid d’aigle, un écrin de

suspension, truffé de terrasses, de restanques, de sentiers creusés dans le

piton rocheux; comme le dit Thierry Moria, directeur de l’un des trois

restaurants (les Remparts): «La Chèvre

d’Or est la dernière marche avant le paradis!»
Diable!


Devenu mythique depuis que la légende raconte

qu’une chèvre au pelage roux a conduit au début du XXe siècle un paysan du

village vers une cache en pièces d’or aménagée dans la roche par une bergère

économe, le Relais&Châteaux –un des six premiers de la chaîne– n’a cessé

d’attirer les esthètes du voyage azuréen et les plus fins des gourmets.

Bizarrement, c’est Walt Disney qui en 1956 a contribué à lancer le restaurant

et les premières chambres logés dans les parois pierreuses auxquelles on accède

par les ruelles étroites d’Eze (véhicules interdits). Une bonne trentaine

d’escaliers traversent le relais, pas moins. La Chèvre d’Or se mérite, mais au

bout du périple, quel fascinant panorama!


La chère, la cuisine élégante des chefs qui se

sont succédé au piano, tous étoilés, méritaient le voyage: au ravissement des

yeux s’ajoutaient les plaisirs des papilles –Philippe Labbé, le dernier maître

queux en titre, parti en septembre 2009, avait obtenu deux étoiles justifiées,

frôlant la troisième deux années de suite. Pour le remplacer, Thérèse Blay, la

jolie brune, directrice de la Chèvre d’Or, a fait le tour des chefs les plus

talentueux disponibles ou volontaires –l’ex-trois étoiles Philippe Legendre,

ancien du Taillevent et du Cinq au Four Saisons George V, a été tenté, en vain.

Le prince du Meurice, Yannick Alleno, aussi, comme conseiller.


Venu des Crayères de Reims, le rond, jovial et

bon vivant Didier Eléna, deux étoiles, est choisi, en décembre 2009, pour la

réouverture en mars 2010: à première vue, c’est le candidat idéal. Sa famille

habite La Turbie, à quelques kilomètres d’Eze, son patrimoine culinaire ne peut

être plus méditerranéen, il veut s’en rapprocher (Ducasse le Monégasque l’a

bien vu), ce qui enchante Thérèse Blay –avant qu’elle ne déchante. Après deux

semaines en cuisine, Eléna annonce son départ… pour New York où Alain Ducasse a

décidé de lui confier les cuisines de son restaurant étoilé, l’Adour à l’Hôtel

San Regis, sur Park Avenue. Singulière déconvenue pour la restauration à la

Chèvre, aggravée par l’excellente note du Michelin à peine paru: le chef Eléna

retrouve deux étoiles alors qu’il n’est plus là!


Pour le Guide rouge, un cinglant camouflet: le

lecteur gastronome est trompé, car la Chèvre d’Or n’a plus de chef étoilé,

seulement des seconds. Que faire? Désarçonnée, victime d’un caprice, Thérèse

rouvre ses carnets et tombe sur le nom de Fabrice Vulin, chef de la Maison des

Saveurs à la Palmeraie de Marrakech, lequel, au bout de quatre années de

tajines, d’épices et de cornes de gazelle, cherche à renouer avec ses racines. «J’avais fait le tour des sortilèges de la

ville rouge, les deux restaurants créés, aux Jardins du Golf, marchaient bien

avec une équipe franco-marocaine bien formée, mais j’avais la nostalgie de la

France et des beaux produits comme la truffe, la poularde de Bresse, les

viandes d’origine qui me manquaient
, explique Fabrice Vulin, quadragénaire

large d’épaules, contemplant la mer, du haut de la cuisine nacelle d’Eze. Bien que n’étant pas sudiste mais savoyard,

à la Chèvre, je me suis vite senti chez moi.»


À n’en pas douter, la douce Thérèse a mis la main

sur une perle: Vulin, ancien chef de Pic à Valence aux côtés d’Anne-Sophie, a

été le premier grand cuisinier à décrocher deux étoiles à Genève au divin Parc

des Eaux Vives, ce qui le met au niveau des chefs Labbé et Eléna. Il est à la

hauteur du défi, et il en veut au piano. Grâce à ce coup de poker, la Chèvre

devrait garder ses deux étoiles en mars prochain. Ouf!


À en juger par la carte d’automne en gestation,

la grande cuisine française et les produits nobles ou canailles sont à

l’honneur, le foie gras en trois préparations, les gamberoni du Golfe de Gênes,

les rougets de roche et boudin noir, les cèpes du pays, les langoustines de

Bretagne, l’agneau de Sisteron en croûte de poivrons, le bœuf de Salers aux

trois poivres, le ris de veau de lait, le pigeon de Bresse façon couscous, et

le turbot au champagne escorté de caviar osciètre, sans oublier les fromages du

maître affineur Bernard Anthony. De quoi réjouir les papilles des mangeurs les

plus fidèles d’Eze, ceux de la Principauté du Prince Albert, par exemple.


Après le rodage de l’été et la mise en place de

l’équipe de cuisine choisie par Vulin, la Chèvre devrait retrouver son statut

et son image de grande table de la Riviera.



  • Château

    de la Chèvre d’Or
    . Rue du Barri

    06360 Eze Village. Tél. : 04 92 10 66 66. Trois restaurants de 60 à 230

    euros, selon le cadre. Plats signatures de Fabrice Vulin à la table étoilée.

    Chambres à partir de 280 euros.


Comme

une pizza de tomates, cèpes de pays, condiment de truffe noire


Recette

de Fabrice Vulin, chef de la Chèvre d’Or à Eze
Pour 4

personnes




Ingrédients



  • 8

    disques de feuilletage de 12 cm de diamètre
    condiment

    de truffe




Pour la concassée de tomate :



  • 1 oignon
    1

    poivron rouge taillé en brunoise
    4

    gousses d’ail en chemise

    3

    pistils de safran

    5

    tomates type cœur de bœuf

    1

    bouquet garni



Pour la garniture :



  • 24

    petites girolles marinées
    6 beaux

    cèpes taillés en lamelles

    (les

    parures en brunoise sautées et caramélisées au beurre)

    12

    amandes fraîches
    24

    lanières de tomates confites
    24

    triangles de tomates marinées à l’huile de basilic

    24

    cercles de tomates marinées au vinaigre balsamique

    24 demi

    olives noires
    24

    rouelles d’oignons frits

    24

    triangles de mozzarella
    sel fin,

    poivre du moulin
    sel de

    Guérande
    huile de

    basilic




Préparation


1. Préchauffez le four à 200°C. Enfournez-y les

disques de feuilletage et faites-les cuire de 15 à 20 minutes.


2. Pelez l’oignon et ciselez-le finement. Dans une

sauteuse, versez un filet d’huile d’olive, ajoutez-y l’oignon et une pincée de

sel. Faites revenir à feu doux 3 à 4 minutes, sans coloration. Ajoutez la

brunoise de poivrons, l’ail en chemise, le bouquet garni et les tomates

taillées en dés. Assaisonnez, ajoutez le safran et une pincée de sucre, faites

cuire doucement en remuant doucement jusqu’à évaporation du liquide. Ôtez l’ail

et le bouquet garni, réservez au chaud.


3. Disposez sur quatre abaisses le condiment de

truffe et recouvrez avec les quatre autres abaisses. Répartissez la concassée

de tomates en une couche de ½ centimètre d’épaisseur et égalisez soigneusement.


4. Dressez les garnitures sur le dessus de chaque

pizza, placez-les sur une assiette de service et arrosez d’huile de basilic.

Servez de suite.



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