Nous étions tous debout face à notre président de groupe à la tribune tout à l’heure lors des explications de vote sur la réforme des retraites. Nous étions, en l’écoutant, tous fiers d’appartenir au groupe socialiste et fiers de l’unité de la gauche. Voici le texte de son intervention, dont il n’ y a rien à retirer.
Messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
Je monte à cette tribune que Bernard Accoyer vient d’interdire à 142 représentants de la Nation.
Nous étions dans un débat essentiel, celui portant sur l’avenir de nos retraites.
Mesdames et messieurs de la majorité, comme vous, nous pensons une réforme indispensable.
Comme vous nous constatons que la réforme Fillon n’a pas tenu ses promesses et que 7 années après son adoption, son échec rend nécessaire une nouvelle loi. Mais contrairement à vous, nous n’acceptons pas que le poids et le prix de la crise soit supporté par ses victimes. Nous n’acceptons pas que 95% du financement repose sur les classes populaires et moyennes tandis que vous continuez de protéger madame Bettencourt avec un bouclier fiscal. Nous n’acceptons pas que celles et ceux qui ont le plus souffert au travail, perdu leur santé pour construire notre Nation, créer de la richesse dans notre pays soient aujourd’hui les laissés pour compte d’une réforme aussi injuste qu’inefficace. Nous n’acceptons pas que les jeunes générations fassent les frais de votre imprévoyance, que les fonds qui leur étaient destinés soient siphonnés et qu’ils soient ainsi sacrifiés.
Dans ce débat nous sommes entrés avec nos propositions. Nous avons conduit une confrontation projet contre projet. A aucun moment, il n’y a eu la tentation de l’obstruction. Peut-on d’ailleurs parler d’obstruction lorsque le temps du premier parti d’opposition est limité à 20 petites heures sur un sujet aussi sensible alors que les décisions qui seront prises affecteront directement et durablement la vie de nos concitoyens ? Peut-on parler d’obstruction lorsque les députés de l’opposition demandent simplement à exercer leur droit d’expression individuel de 5 minutes et que l’usage de ce droit aurait simplement eu pour effet de repousser ce vote de quelques heures ?
Ce qui s’est passé ce matin est grave. Pas pour nous, parlementaires de l’opposition. Ce qui s’est passé est grave pour ces millions de Français qui nous ont élu et dont la voix mérite autant de respect que celles de la majorité.
Il n’y a pas de démocratie sans pluralisme des courants d’opinion et d’expression ! Voilà pourquoi la Constitution et les règlements reconnaissent des droits aux députés de l’opposition. Que devient notre démocratie lorsque ces droits sont ainsi bafoués ? Que devient notre démocratie lorsque la minorité au Parlement est ainsi sommée de se taire ?
Cette décision inqualifiable de Bernard Accoyer est au fond dans la droite ligne des dérives actuelles du pouvoir. Aujourd’hui, notre République est abîmée. Notre République perd ses repères lorsque des ministres confondent l’intérêt général et l’intérêt de l’UMP, lorsque la justice est instrumentalisée, lorsque les violations des droits fondamentaux valent à la France des rappels de l’ONU et de l’Union européenne, lorsque la liberté de la presse est malmenée par l’utilisation illégale des services secrets, lorsque la souveraineté des élus de la Nation est méprisée…
Au fond, nous faisons face à une crise morale et politique dont monsieur Woerth est devenu le symbole. Nous assistons à une confusion de certains intérêts et du pouvoir d’Etat.
Plus les Français découvrent cette toile qui s’est tissée du Fouquet’s au Bristol, et moins vous supportez les contre-pouvoirs. Uns à uns vous tentez de les briser.
Hier c’était la mise en cause du travail de la presse, qualifiée de fasciste, qui créait le malaise et maintenant c’est votre silence assourdissant qui indigne lorsqu’aucun d’entre vous n’ose s’inquiéter de circulaires discriminatoires prise par le cabinet d’un ministre qui a lui même été condamné récemment pour ses propos racistes.
Aujourd’hui c’est la parole confisquée à des parlementaires qui osent prétendre qu’une autre réforme des retraites est possible.
Demain c’est vous mesdames et messieurs les députés de la majorité à qui l’on tordra le bras pour accepter la déchéance de nationalité pour ces Français d’origine étrangère.
Les Français doivent comprendre que si nous ne sommes pas parvenus aujourd’hui à faire entendre leurs revendications, leur exaspération et leur colère, cela ne doit pas les conduire à la résignation ou à l’abattement.
Chaque jour, ici et par delà ces murs où l’on bafoue la démocratie, avec eux, nous continuons à nous mobiliser et à nous battre, nous ouvrons d’autres voies qui sont celles du renouveau et de l’alternance.
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