La guerre est déclarée : Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la justice et des droits des citoyens, a annoncé tout à l'heure que l’exécutif européen allait poursuivre la France devant la Cour de justice européenne. Elle l’accuse d’avoir violé le droit européen en expulsant des centaines de Roms en raison de leur seule origine ethnique. Pour la commissaire — toute de rouge vêtue afin de manifester sa colère —, « la discrimination sur base de l'origine ethnique ou de la race, n'a pas sa place en Europe. Elle est incompatible avec les valeurs sur lesquelles l'Union européenne est fondée. Les autorités nationales qui discriminent à l'encontre de groupes ethniques lors de l'application de la loi de l'Union européenne violent aussi la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont tous les États membres sont signataires, y compris la France. Je trouve donc extrêmement troublant que l'un de nos États membres, à travers des actes de son administration, remette en question, de manière aussi grave, les valeurs communes et le droit de l'Union européenne ».
C’est la révélation, ce week-end, d’une circulaire datée du 5 août ciblant spécifiquement les Roms qui a déclenché la colère des autorités communautaires. En effet, Eric Besson, le ministre de l’Immigration, et Pierre Lellouche, le secrétaire d’État aux affaires européennes, avaient fait le voyage de Bruxelles pour expliquer à la Commission, inquiète, que les Roms n’étaient pas visés en tant que tel, mais qu’il s’agissait d’une politique destinée à démanteler des bidonvilles et à renvoyer, après examen individuel, des citoyens, certes Européens, mais dénués de toutes ressources. « Rassurée », la Commission semblait bien décidée à enterrer le dossier. Désormais, elle a l’impression d’avoir été trompée par Paris, comme l’a déclarée Reding : « trop, c’est trop ! (…) Les assurances politiques données par deux ministres français mandatés officiellement pour discuter de cette question avec la Commission européenne, sont maintenant ouvertement en contradiction avec une circulaire administrative de ce même gouvernement », ce qui est une « honte ».
de faire sortir la Commission de ses gonds. Furieux que la France ait été épinglée jeudi dernier par une résolution (non obligatoire et non soutenue par la Commission) du Parlement européen, le secrétaire d’État a estimé devant les médias que « la France est un grand pays souverain. On n’est pas à l’école. Nous appliquons notre loi. Je n’ai pas l’intention d’être traité, au nom de la France, comme un petit garçon ». Une déclaration hallucinante, Lellouche semblant oublier que la France est membre, depuis 1957, de l’Union et que c’est même le gouvernement actuel qui a fait ratifier le traité de Lisbonne qui donne davantage de pouvoirs à l’Union en matière de liberté publique. En outre, Paris est membre du Conseil de l’Europe et de la convention européenne des droits de l’homme (ce qui la rend justiciable de la Cour européenne des droits de l’homme) et est partie à toute une série de conventions internationales (y compris de la Cour pénale internationale) qui l’expose aussi à « recevoir des leçons »…
La France aura du mal, cette fois, à échapper à un procès devant la Cour de justice européenne. Car, pour la Commission, la signature d’une nouvelle circulaire où le mot « Rom » a été biffé ne change rien : « il est important que ce ne soient pas seulement les mots qui changent, mais aussi le comportement des autorités françaises ». Et Paris n’entend pas renoncer aux expulsions collectives de Roms.
La France n’est pourtant pas la seule en Europe à renvoyer des Roms, d’où la dénonciation par Lellouche d’une « bulle d’hypocrisie » sur la question. Mais elle est la seule à mettre en scène une telle politique en chatouillant la xénophobie supposée de ses citoyens. Au lieu de jouer au matamore avec les institutions communautaires qui sont dans leur rôle, Lellouche aurait mieux fait d’essayer européaniser le problème de l’intégration des Roms, qui est réel, que ce soit dans leur pays d’origine ou dans leur pays d’accueil. Mais la subtilité ne fait manifestement pas partie de la panoplie gouvernementale.
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