Stephen Hawking, qui vient de démontrer
scientifiquement que Dieu n'existe pas dans un livre encore à paraître, avait
pourtant prouvé le contraire dans un livre déjà paru. Franchement, faut
suivre.
De toute façon, je ne savais même pas qu'il avait
fait la preuve de l'existence d'un créateur de toutes choses dans sa Brève
histoire du temps, dont je n'ai jamais dépassé la page quarante. Vous savez
ce que c'est: on s'enthousiasme pour un bouquin de vulgarisation parce que
tout le monde vous dit qu'il est «lumineux» mais, à la première formule
mathématique un peu complexe, vous décrochez. Enfin, peut-être pas vous, mais
moi si.
Sacré phénomène d'édition, cette Brève histoire
du temps. Les jeunots ne s'en souviennent sans doute pas (c'était en 1988,
avant le Web, l'iPhone et Sarkozy, mais bien après le Big Bang, si ça vous aide
à vous situer dans la chronologie), mais c'était LE livre à avoir lu. Une sorte
de Houellebecq de la physique, ce Hawking…
En tout cas, et pour ce que j'avais compris du truc
à l'époque, s'il devenait possible de concevoir une théorie générale de
l'univers, une sorte d'équation qui régit le monde, c'est qu'il y avait forcément
un Dieu derrière tout ça. Je vous le livre à la louche, hein…
Mais dans le bouquin qui vient, Le grand dessein, que nous dit Stephen Hawking? Ou, à tout le moins, que nous dit Stephen
Hawking que nous puissions à peu près comprendre? Eh bien que Dieu
n'existe pas parce qu'Il n'est pas nécessaire à la création. Que la seule loi
de la gravitation suffit à expliquer que l'univers se soit auto-créé, une chose
en amenant une autre, etc.
Oh pétard, je ne sais pas pour vous, mais moi, je
ne suis pas plus avancé. Pourtant, s'il y a bien une chose que l'on aimerait
savoir au-delà de la composition du prochain gouvernement , c'est si Dieu
existe. Intuitivement, le Français du XXIe siècle élevé au jus des Lumières, de
la laïcité et de Claude Lévi-Strauss présume évidemment que la religion est une
pratique humaine réductible à sa dimension ethnoculturelle, un peu comme les
contes de fée participent de la formation intellectuelle et morale du petit
d'homme.
Mais à un autre niveau, et parce que «l'homme ne
vit pas que de pain» (Deutéronome 8:2) et qu'il lui faut aussi un peu de
confiture spirituelle à mettre dessus, le même Français rationaliste a parfois
du mal avec le concept du rien. Notez d'ailleurs qu'il n'est pas le seul, Richard Dawkins, le biologiste britannique
spécialisé dans la révélation de l'inexistence du Très Haut, avoue lui-même
entretenir un doute résiduel. Dans son fameux Pour en finir avec Dieu, il établit en effet
une échelle de la foi graduée de 1 à 7 ―1 correspondant à la foi totale et
entière dans tout ce que raconte la Bible et 7 à l'athéisme le plus
absolu ― et se situe lui-même à 6, ce péteux…
Si même un type pareil doute de son doute, qui
sommes-nous pour avoir des certitudes? Surtout si l'on ne comprend rien à ce
que raconte Stephen Hawking et que ce n'est pas seulement parce qu'il a du mal
à s'exprimer du fait de la maladie neuromusculaire dont il souffre depuis des
années. Bah, à tout hasard et parce que je suis un type «de bonne volonté»
(Luc 2 :14), je lirai son nouveau livre. Mais si là encore, je ne dépasse pas
la page quarante, qu'on ne vienne pas me casser les pieds en me disant que je
n'ai pas fait d'effort pour répondre à la question «Et Dieu dans tout ça?»
Hugues Serraf
Photo: Stephen Hawking en juin 2010. REUTERS/Sheryl Nadler
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