Les députés discuteront, à partir du 7
septembre, jour de la mobilisation à laquelle appellent les syndicats, un texte
sur la réforme des retraites que la commission des affaires sociales de
l’Assemblée nationale a très peu amendé. L’âge de départ à la retraite n’a pas
été modifié, conformément au
souhait du gouvernement. Il sera donc porté progressivement à 62 ans entre 2011
et 2018 pour les personnes ayant tous leurs trimestres de cotisation, et à 67
ans pour obtenir une retraite sans décote même s’il manque des cotisations. L’amendement le plus nouveau concerne le remboursement des trimestres
rachetés par les quelques personnes qui avaient fait cette démarche et qui,
compte tenu du changement d’âge de départ à la retraite, l’ont fait en pure
perte. La «pénibilité» du travail permettant de devancer cet âge sera définie
plus en détail ultérieurement. Ce qui permet au gouvernement, devant
l’opposition des syndicats, de garder des possibilités d’assouplissement, après
avoir mesuré la mobilisation des salariés.
Il y a dans ce projet de réforme des
retraites un absent de marque: le travail des seniors. Certes, le chantier a
déjà été ouvert et les entreprises de plus de cinquante personnes sont censées
avoir, depuis le 1er janvier 2010, un plan pour l’emploi des
seniors. Mais si l’âge de départ à la retraite change, ne faut-il pas prévoir
de nouveaux dispositifs ou accélérer le processus?
L'effet de seuil
Le gouvernement semble en fait miser sur
l’effet de déplacement des limites. Un effet qui existe bel et bien: il est
probable que mécaniquement, l’âge du départ effectif à la retraite va reculer.
Il a déjà un peu augmenté au cours des dernières années. Cela serait survenu de
toutes façons pour toutes les catégories de salariés qui ont fait quelques
années d’études supérieures et/ ou sont entrées tard sur le marché du travail.
Or ceux-ci sont de plus en plus nombreux à mesure que l’on parle de catégories
plus jeunes, puisque l’enseignement supérieur s’est fortement démocratisé depuis
les années 1970. Vrai aussi parce que depuis la réforme Balladur de 2003, la
durée de cotisation a été progressivement rallongée: elle atteindra 41,5 ans en
2013. Les futurs retraités partiront, bon gré mal gré, plus tard, et un bon
nombre l’aurait fait même sans la réforme actuelle.
Mais on aurait pu espérer que le gouvernement
afficherait une volonté bien plus forte de garder les seniors au travail. Le
message est certes très difficile à faire passer en période de crise, mais
c’est précisément pour cela qu’une bonne dose de volontarisme serait
nécessaire. Actuellement la grande question que se posent les Français est
celle-ci : continuer à travailler plus longtemps alors que les entreprises
ne veulent plus de nous, c’est impossible. Après des années de préretraites, le
pli semble pris.
Pourtant, si l’on regarde vers la Finlande,
on constate qu’une vraie politique peut faire la différence. Le taux d’emploi
des seniors (55-64 ans) y est passé de 35% voici dix ans à 56% aujourd’hui.
Pour mémoire, le taux d’activité des Français de 55 à 64 ans s’élevait à 39% en
2008, l’un des taux les plus bas d’Europe, même s’il a évolué dans le bon sens
–il était de 28% dix ans auparavant. La méthode finlandaise: du dialogue, des
aménagements d’horaires ou de postes, des vacances supplémentaires… S’y
ajoutent des aides aux entreprises qui embauchent des plus de 54 ans, et
inversement une sanction sous forme de prise en charge partielle des indemnités
de chômage pour les entreprises
qui licencient un salarié de plus de 58 ans.
Au-delà, les Finlandais, via leur Institut de
Santé au Travail, a mis en place des formations pour le management, afin de les
faire changer d’opinion sur les salariés âgés et leur valeur dans le monde du
travail. Tout un programme très nécessaire, car même en Finlande, où l’âge de
la retraite a été fixé à 63 ans, on s’apprête à la relever encore pour assurer
la pérennité du régime. Alors, oui, il est urgent de favoriser le travail des
seniors.
Marie-Laure Cittanova
Photo: Des retraités dans le sud de la France, en juin 2010. REUTERS/Regis
Duvignau
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