Vivre aujourd'hui avec Socrate, Epicure, Sénèque et tous les autres: "Extrait de l'introduction
Colorer le marbre
Et duplices tendens adsidera palmas.
«Tendant vers le ciel ses deux paumes...»
Quand je prononce ces mots, j'ai treize ans. Me voilà debout sur l'estrade, récitant des vers de Virgile appris par coeur. Ceux-là prennent place au début de l'Énéide. Le héros se trouve pris dans une effroyable tempête. Frissonnant, il supplie, implore, gémit, évoque ceux des siens qui moururent au combat, d'un plus glorieux trépas qu'une noyade glacée. Il regrette de n'être pas mort en luttant et se désole du sort obscur qui le menace...
Nous avions, chaque trimestre, des compositions de récitation latine. Chacun son tour, nous tirions au sort un papier avec une référence, et nous allions déclamer bravement quelques lignes de Tite-Live ou de Cicéron, quelques vers d'Horace ou de Virgile - comme moi, ce jour-là.
Le même rituel se répétait, de trimestre en trimestre, d'année en année. Des compositions de récitation latine, nous en avions en classe de quatrième, de troisième, de seconde. Précision importante : je n'étais pas au lycée chez des prêtres ni dans une institution particulière. Jamais mon père n'aurait supporté que je fusse élève dans l'enseignement privé. La récitation latine n'était en aucune manière une étrangeté ni une incroyable exception. La scène se situe dans un lycée de la République, à Paris, il y a seulement quelques décennies.
Dans l'enseignement public, laïc, obligatoire et gratuit, je faisais ces compositions de récitation latine, mais aussi des versions latines, des thèmes grecs, des exposés sur les guerres puniques, la conquête des Gaules ou les comédies de Plaute.
Le latin, en ce temps-là, s'enseignait dès la sixième. Je l'ai donc commencé à dix ans. En quatrième, on pouvait ajouter le grec, qui me fit découvrir d'autres formes de lettres - à tous les sens : graphie différente, alphabet dissemblable mais aussi épopées, tragédies, discours politiques - plus tard, textes philosophiques."
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