Souvenez-vous,
après leurs succès électoraux aux européennes et régionales, les écologistes
–et en premier lieu Daniel
Cohn-Bendit– expliquaient qu’il fallait créer une
structure plus large, plus ouverte que les Verts… Qu’il fallait même
inventer une forme d’organisation nouvelle, participative, ultra démocratique,
pourquoi pas sans militants, avec uniquement des volontaires occasionnels, des
internautes qui interviendraient dans le cadre d’un débat permanent au sein
d’une grande maison ouverte tournée vers la société, une organisation
protéiforme, débarrassée des structures partisanes et de la bureaucratie des
partis politiques classiques. En gros, un truc défini par plein de jolis mots
autant à la mode que creux.
Maturité politique
Donc, ce qui devait arriver arriva: les écologistes
vont bientôt accoucher, d’un… parti
politique (Europe Ecologie) des plus classiques, plus important et
diversifié que les Verts, certes, mais avec des militants colleurs d’affiches,
un joli site Internet, des instances dirigeantes, un secrétaire général et
peut-être même –c’est dire–, un président (même l’UMP n’a plus de président)!
C’est en tout cas ce qui se dessine après la réunion de ce week-end. On
pourrait en conclure rapidement que les écolos ont raté leur opération de
modernisation. Mais ce serait aller trop vite. Ils finissent par faire un parti
parce que (même si ça paraît ringard) c’est quand même la seule façon
démocratique que l’on ait trouvée pour élaborer un programme et désigner des
responsables qui ont vocation à exercer le pouvoir. En revenir à un parti
classique ne veut pas dire que les écolos font du surplace… ils évoluent et
font même preuve d’une certaine maturité politique. Le fait, par exemple, que,
lors des débats de Nantes une table ronde ait été intitulée «Que ferait un
ministre de l’Intérieur écologiste» montre bien que les écologistes ne limitent
plus leur propositions aux seuls domaines environnementaux ou économiques ou à
la protestation antisystème pour tout le reste.
Pourtant, Daniel
Cohn-Bendit n’a pas l’air satisfait de cette évolution. Il
fait un peu sa star. Il exagère, parce qu’effectivement Europe Ecologie
n’aura pas la forme moderniste dont il rêvait et parlait sans toutefois n’avoir
jamais réussi à la définir précisément… Mais si l’on regarde de plus près, sur
le fond, les écologistes français évoluent peu ou prou selon ce que souhaite et
ce que défend régulièrement l’ancien leader de 68. Le
choix quasiment entériné d’Eva Joly pour la présidentielle en est la
preuve. Eva Joly n’est pas la personnalité gauchiste, altermondialiste,
enfermée sur l’environnement ou la contestation de tout que dénonce Cohn-Bendit
quand il étrille ses amis écolos. Le fait que les Verts se retrouvent derrière
cette candidature qui peut séduire de José Bové au centre droit, devrait
suffire au bonheur de Daniel Cohn-Bendit et lui prouver qu’il a quasiment gagné
la partie de l’évolution idéologique.
Dany, la grand-mère et la liberté
Son agacement
ressemble, du coup, à une blessure d’égo. Cohn-Bendit refuse
d’être candidat, de prendre la tête d’Europe Ecologie et puis il râle…
Il est un peu comme la grand-mère, à table, à qui l’on propose en premier de se
resservir du gâteau. Pour montrer qu’elle est bien bonne, elle se sacrifie et
refuse et puis bougonne quand elle s’aperçoit que, du coup, il n’y en a plus
pour elle! Daniel Cohn-Bendit, lui, a trouvé une
jolie formule, un peu plus avantageuse que ma comparaison avec la
grand-mère râleuse… Il dit: «Si ça
continue, je démissionne de mon poste de Zorro.» N’en croyez rien. Il ne
brigue aucune fonction et cette distance vis-à-vis du pouvoir lui confère une
liberté et un ton de sincérité très efficaces (il s’en grise assez souvent,
d’ailleurs). C’est aussi pour ça que l’on peut parier que, malgré sa mauvaise
humeur capricieuse, il gardera son poste de Zorro médiatique des écolos.
Thomas Legrand
Photo: Cécile Duflot, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit aux journées d'été des Verts, le 20 août 2010 à Notre-Dame-des-Landes. REUTERS/Stephane Mahe
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