Coup
sur coup, Benjamin
Netanyahou vient d'envoyer deux messages contradictoires. Le premier de modération face au programme nucléaire iranien a été suivi d'une mise en garde
claire à l'égard de Téhéran et également de Moscou et Washington.
La
nomination plus rapide que prévue d’un nouveau chef d’état-major de l'armée israélienne est tout sauf anodine. Il s'agit d'un message fort adressé d'abord aux Etats-Unis et à la Russie. Des informations filtrent en Israël sur des négociations secrètes entre Russes et Américains qui expliquent le silence étonnant du Premier
ministre israélien après l'annonce de la mise en service du réacteur nucléaire de Bushehr. L’opinion israélienne s’attendait à une
condamnation ferme et même à des mesures de rétorsion, mais l’absence de
réaction tend à démontrer qu’Israël a les mains liées par Washington et Moscou. Benjamin Netanyahou a voulu immédiatement dissiper cette impression.
La modération face à l’initiative de Téhéran ne
cadre pas avec la position du gouvernement israélien et de l'opinion du pays pour qui le programme d'armement nucléaire de la République islamique constitue une menace existentielle. Ni Washington et ni
Jérusalem n’ont pourtant manifesté leur désapprobation lorsque les Russes ont commencé à
charger les 163 barres de 80 tonnes de combustible dans le réacteur de Bushehr qu'ils ont construit.
Ce processus de chargement va durer deux semaines en dépit des sanctions
américaines et européennes et en dépit des mises en garde d’Israël.
Des informations d’origine israélienne révèlent
que les Russes et les Américains ont tout fait pour dissimuler leur accord
secret. En échange du vote par les Russes des sanctions du Conseil de sécurité
de l’ONU contre l’Iran, le Département d’Etat s’est engagé à mettre un bémol sur
l’activation du réacteur et à faire une déclaration sur l’absence de «menace
de prolifération».
Risque
nucléaire
Israël considère que c'est une erreur qui coûtera cher, mais tient pour le moment à préserver des relations redevenues plus amicales avec l'administration Obama. Le risque est grand de permettre à l'Iran d'Ahmadinejad d'avoir à moyen terme une capacité de production de plutonium
militaire. Les Israéliens estiment que les engagements de l’Iran de renvoyer en
Russie les barres de plutonium, pour retraitement, ne peuvent pas être pris au
sérieux. Netanyahou avait été séduit au départ par la
prétendue ligne dure du Kremlin mais déçu ensuite lorsque Sergueï
Kirienko, chef de l’Agence russe à l’énergie atomique, a été envoyé inaugurer
en grandes pompes la centrale de Bushehr. Moscou joue toujours son traditionnel double jeu au Moyen-Orient.
Les Américains ont cherché à calmer les inquiétudes de
Netanyahou en lui garantissant, selon le New York Times, que les Iraniens
ne seront pas capables de fabriquer une bombe avant un an, mais le London Telegraph résume bien les questions en suspens et les doutes. De toute façon, cette perspective ne peut que renforcer les
inquiétudes d’Israël et des pays arabes du Moyen-Orient qui
considèrent la mise en service de ce réacteur nucléaire comme une étape significative
vers l’obtention de l’arme nucléaire.
Pour justifier son silence auprès de son opinion publique, le Premier ministre
a confirmé que tout accord avec les Palestiniens tiendrait compte de la sécurité
d’Israël. Il a en particulier affirmé ses exigences en ce qui concerne la
démilitarisation de l’Etat palestinien avec contrôle effectif de la vallée du
Jourdain à la frontière jordanienne et occupation des crêtes des montagnes.
Message
Mais le message le plus fort envoyé en Israël et à l'étranger est la nomination du général Yohav Galant à la tête de Tsahal. Il a fait carrière dans les commandos de la marine et n’attendra
certainement pas février 2011, la date officielle de son entrée en fonction, pour s’installer aux commandes de l’armée. Cet homme fort qui commandait
la région de Gaza n’aurait pas attendu décembre 2009 pour lancer l’opération «Plomb
durci» et avait suggéré à
son gouvernement d’intervenir une année plus tôt.
Le plan initial de l'opération de Gaza préparée par Yohav Galant était très différent de celui finalement adopté.
Il prévoyait d’aller à la recherche des dirigeants du Hamas pour les extraire
de la bande et la remettre entre les mains de l’Autorité
palestinienne. Le gouvernement avait
alors préféré une option moins radicale. Yohav Galant est un partisan de la manière forte.
Il ne tolèrera pas de rester inactif si, d’aventure, des roquettes et des
missiles se remettaient à tomber sur le sud d’Israël. Le gouvernement compte sur lui pour adresser un message clair aussi bien à
la Syrie, à l'Iran et au Hezbollah qu’aux Américains et aux Européens.
Le profil de Galant est ainsi très différent de son
prédécesseur Gabi Ashkénazi. Ce dernier était arrivé à la tête de l'état-major avec une réputation de baroudeur «golani» mais il avait déçu par ses hésitations, au point que le politologue Emmanuel Navon l'avait
traité de «mauviette». Ashkénazi a
certes réussi à réorganiser l’armée de terre après la déroute relative de la
guerre du Liban de 2006, mais il a refusé de prendre des risques que prendra
certainement son successeur. Les partisans de la manière forte avec l’Iran trouveront auprès du nouveau chef d’état-major une oreille
attentive et sont convaincus qu’il sera capable de s’opposer habilement à
l’administration américaine dans son approche vis-à-vis de l’Iran.
Yohav Galant est réputé pour être un homme de
sang-froid qui sait faire preuve d’autorité et se faire obéir.
Ceux qui le critiquent le trouvent arrogant et l’accusent de ne pas s'embarrasser pour éliminer ses rivaux. Il est fort probable qu’avec lui, aucune tête
d’officier ne dépassera.
Le Premier ministre israélien compte quant à lui sur cette
nomination pour apparaitre comme un homme capable de prendre des décisions difficiles.
Jacques Benillouche
Photo: Cérémonie de l'armée israélienne au mur des lamentations à Jérusalem Baz Ratner / Reuters
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