«Je n’ai qu’un mot à te dire», lance M. McGuire à Benjamin Braddock, incarné par Dustin Hoffman, dans Le Lauréat.
«Rien qu’un mot: plastique». Quel conseil qui tienne en un mot pourrait bien prodiguer un entrepreneur chevronné
à un étudiant fraîchement sorti de la fac ou d’une école? Chine? Inde? Hedge fund (aïe, ça fait deux mots!)?
Pourquoi pas commerce?
A la mi-août, le ministère américain du Commerce a annoncé que le déficit commercial des Etats-Unis avait
enregistré une pointe de près de 50 milliards de dollars
[39 milliards d’euros] au mois de juin. A la suite de quoi les prophètes de
malheur se sont réveillés. Les importations, qui avaient explosé pour atteindre
200,3 milliards de dollars [156,5 milliards d’euros] en juin, n’entrent
pas dans le calcul du Produit intérieur brut. Si de tels équilibres des échanges
persistent, avertissent les pessimistes, ils risquent de contribuer à un
ralentissement de la croissance.
Le commerce génère de l’expansion
On peut toutefois analyser les données des échanges commerciaux autrement. Sur
ces deux dernières années, les chiffres des importations et des exportations ne
semblent pas signaler une «seconde» récession – c’est-à-dire une nouvelle baisse
du niveau de l’activité économique globale des Etats-Unis – mais au
contraire une certaine expansion.
En juin 2010, les importations se situaient à 200,3 milliards de
dollars [156,5 milliards d’euros] et les exportations à 150,5 milliards de
dollars [122,2 milliards d’euros], soit des échanges de biens et de
services totalisant 350,8 milliards de dollars. Sur
le même mois de l’année précédente (juin 2009), les importations représentaient
155 milliards de dollars et les exportations 128
milliards de dollars; le total des échanges de
biens et de services s’établissait alors à 283 milliards de dollars.
En d’autres termes, en juin dernier, le volume du commerce international américain
avait augmenté de près de 24% en un an (les exportations et les importations ayant
respectivement gagné 17,5 et 29%).
Bien que ces échanges soient loin de leur pic (en juillet 2008, alors
que les exportations se situaient à 165 milliards de dollars et les importations à 232 milliards de dollars, le total mensuel approchait les 400 milliards de dollars), au cours de l'année 2010, le ralentissement de la croissance a
donné de l’élan aux échanges commerciaux. Juin 2010, les exportations avaient
augmenté de 5% par rapport à décembre 2009, les importations de 10,5%.
Un cercle vertueux
Ce volume en hausse du commerce – l’échange de flux croissants de
marchandises et de services entre les Etats-Unis et l’étranger – profite à de
nombreux secteurs. Les entreprises spécialisées dans le transport (par bateau,
camion, train) ou la logistique ont toutes enregistré des résultats dépassant
leurs attentes. Ce phénomène revitalise les marchés étrangers, créant ainsi un
cercle vertueux: plus les Etats-Unis importent, plus les revenus de leurs
partenaires commerciaux augmentent dans le monde, ce qui donne un coup de fouet
aux exportations américaines. En effet, un plus grand nombre d’étrangers a les
moyens d’acheter les produits fabriqués et commercialisés par les Américains.
Cet essor des échanges fait aussi du bien aux professionnels dont l’activité
dépend directement de l’état du commerce, notamment les producteurs de denrées
dont le cours est fixé par la demande mondiale: produits alimentaires,
minéraux, métaux, pétrole, etc.
Bien que les exportations semblent toujours à la traîne, chaque jour qui
passe, les sociétés américaines s’impliquent un peu plus dans l’économie
mondiale. Tous les mois, General Motors (GM) vend autant de voitures en Chine
qu’aux Etats-Unis. Même si cela n’a pas d’incidence sur les importations, le
bilan de GM en bénéficie (ce qui stabilise, du même coup, les postes des cadres
basés aux Etats-Unis).
Deux défis considérables
Pour les Etats-Unis, l’un des défis de taille consiste à relancer la demande
nationale, encore faible. Les Américains remboursent leurs crédits, épargnent
davantage et dépensent avec parcimonie. Après la crise, rien de vraiment
étonnant… Mais un autre challenge est encore plus important. Les entreprises
implantées aux Etats-Unis (PME et gros groupes) réussiront-elles à se procurer
une part de la demande mondiale croissante? Pour rattraper leur retard, à moins
de se délocaliser en Inde, au Brésil ou en Chine, le meilleur moyen est de
miser sur le commerce. Je rappelle ce qui peut apparaître comme une évidence: faire
du commerce avec nos amis et nos voisins ne suffit plus.
Dans le secteur de l’information, parallèlement aux initiatives visant à
monétiser le «coup d’œil» des internautes aux Etats-Unis, les médias intelligents
devraient aussi chercher à investir dans de nouvelles entreprises à l’étranger
(Slate.fr
est un bon exemple.)
Si Newsweek a
connu bien des difficultés au niveau national, de nombreux médias étrangers ont
acheté des droits pour pouvoir utiliser le nom et les contenus du magazine et
en faire des versions locales en langue étrangère. Newsweek Pakistan va bientôt être lancé. J’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi tous les groupes
de presse américains ne mettent pas en place une stratégie commerciale
agressive pour s’implanter profondément en Inde. De même, pourquoi les hôtels de
luxe et autres formes d’hébergements haut de gamme ne s’efforcent pas d’attirer
les Chinois (plus de 20% de la population mondiale!) qui ont les moyens et le
désir de faire du tourisme aux Etats-Unis?
Les entreprises et les particuliers qui n’ont pas de stratégie pour exporter
plus ou s’investir davantage dans les marchées étrangers, ou pour jouer un rôle
dans le commerce international, laissent passer un énorme filon.
D’où mon conseil, en un mot: commerce.
Daniel
Gross
Traduit par Micha Cziffra
Photo: Le port de Melbourne Mick Tsikas / Reuters
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