Les universités
d'été du PS s'ouvrent vendredi à La
Rochelle en plein débat sur la sécurité. Sécurité qui sera, nous dit-on l'un
des thèmes principaux du discours de Martine Aubry dimanche (elle sera aussi
l’objet de deux
débats à La Rochelle).
La sécurité et la gauche, c'est un vaste débat.
On a déjà décrit la façon dont ce thème avait souvent servi à la droite pour
souligner ce qu'elle prétendait être une forme d'irresponsabilité de la gauche.
Lionel Jospin en fût la plus éminente victime en 2002. Mais la gauche –comme
une grande– s'est longtemps suffit à elle-même pour se caricaturer. La sécurité
y a longtemps été un
thème de débat explosif. Ce qui hantait les responsables socialistes,
c'était le poids respectif des deux frères ennemis: prévention et répression.
Dans le discours de la gauche au pouvoir au début des années 1980, l'accent
était mis sur la prévention après les années sécuritaires des ministres de
Valéry Giscard d'Estaing, Michel Poniatowski
et Alain
Peyrefitte.
Donc, après 1981,
les maires emblématiques comme Gilbert
Bonnemaison à Epinay-sur-Seine ou Hubert Dubedout à
Grenoble étaient mis en avant pour leurs actions audacieuses en faveur de la
prévention dans leurs villes. Ça n'a pas suffit, la violence n'a pas cessé
d'augmenter. Le Premier ministre, Pierre Mauroy a dû, dès 1983, injecter une
dose de «répression» dans son discours. Il créé une commission intitulée «prévention/répression/solidarité»
(le rapport remis par Gilbert Bonnemaison est consultable ici).
À l'époque, la gauche n'osait pas laisser «prévention» et «répression» face-à-face,
comme deux éléments égaux et complémentaires. Donc, on y a adjoint le mot
«solidarité», comme un adoucisseur pour s'excuser d'oser évoquer les rigueurs
de la répression. Comme la gauche parlait alors plus volontiers du «sentiment
d'insécurité» que de «l'insécurité» tout court, elle semblait sous-estimer son
importance. Pourtant, la gauche sécuritaire existe dans l'histoire politique: Jules Moch, ministre
socialiste en 1947 qui envoie pour la première fois des CRS contre des
grévistes ou plus près de nous, Jean-Pierre
Chevènement et son ton de père fouettard de la République, incarnent
une tradition répressive de gauche.
«Dérive droitière»
«Rétablir l’ordre»,
dans l’inconscient collectif de gauche, c’est toujours un peu servir «l’ordre
établi», les puissants. Les répressifs de gauche tentent de s’en sortir en parlant
«d’ordre républicain», mais rien n'y fait, un homme de gauche qui réprime
devient, pour l'opinion, un homme de droite. C’est la jurisprudence Clemenceau.
Ségolène Royal a aussi subi ces accusations avec «l'ordre juste» et le ton
général de son discours en 2007.
Mais tout ça
change très rapidement. Les socialistes sont ultra majoritaires dans les
collectivités locales et toutes les préoccupations de ses élus se heurtent à
des problèmes de sécurité: éducation, développement économique des territoires,
transports. La réponse «c'est la faute à la société et au contexte» ne suffit
plus. Les maires de grandes villes de gauche ont une politique plus répressive
qu'ils ne veulent bien le dire, ils ne sont pas les derniers à demander, par
exemple le
démantèlement des camps illégaux de Roms.
Il s'agit pour la
gauche, maintenant, de proposer une mission différente pour la police et de ne
pas être simplement sécuritaire, ce qu'elle reproche à la majorité. Là encore
les mots comptent. Bien des responsables de gauche ne réclament plus le retour
de la police de proximité (ça fait trop îlotier) mais une police
«territorialisée». Jean-Jacques Urvoas, le Monsieur Sécurité du PS, pose
d'ailleurs la question de l'éventuelle
décentralisation de la police. Stratégiquement, le bon coup à jouer
pour le PS serait de réussir à faire de la sécurité un thème de gauche, comme
Nicolas Sarkozy avait réussi à chiper à la gauche le thème du travail en 2007.
Mais c'est déjà une révolution culturelle impressionnante que les socialistes
sont en train d'effectuer, comparable à la révolution spectaculaire que la
droite a vécu depuis 2007 sur les questions d'environnement.
Thomas Legrand
Photo: Martine Aubry le 3 juillet 2010. REUTERS/Benoit Tessier
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