Savez-vous
quelle est l’équipe championne du monde en titre de basket? Où est-ce que
l’Espagne (oui, c’est elle…) a remporté le titre en 2006? Où se joue le Mondial
qui débute dans quelques jours? Pourtant on ne parle pas de cricket ou de curling
ni d’un événement mineur ou anecdotique. Il s’agit tout simplement du
championnat du monde de basket qui aura lieu à partir du 28 août en Turquie.
Un
sport qui compte plus de 450.000 licenciés en France et qui, selon les
derniers chiffres de la Fédération française de basketball, est «le plus pratiqué au monde avec 400 millions
de joueurs, loin devant le football (250 millions) et le tennis (120 millions)».
Pourtant, le moins que l’on puisse dire c’est que, dans les cafés, on parle davantage
des sanctions post-Afrique du Sud ou du mercato d’été
que de la
défaite des Bleus face aux Etats-Unis en match de préparation.
Mondial décaféiné
Car
la France n’est pas vraiment fan de basket. Alors que, dans d’autres pays
européens (Espagne, Italie, Grèce, Turquie…), le basket est considéré comme le
deuxième sport collectif national, voir le premier (en Lituanie), en France il
passe après le rugby et, souvent, le handball. Pourtant cette discipline,
inventée par James
Naismith, a offert de nombreux succès à la France ces dernières années.
Beaucoup de joueurs, comme Boris Diaw, Mickaël Piétrus ou Jérôme Moïso, sont
partis jouer en NBA, le championnat américain,
considéré comme le meilleur du monde. Tony Parker est même devenu le premier Français
à remporter le titre avec les San
Antonio Spurs en 2003, 2005 et 2007. Et TP accompagne aussi Joakim Noah dans le
dernier classement des sportifs favoris des Français. Sans oublier la
médaille d’argent que la France a remporté aux JO de Sydney en 2000 et la
troisième place à l’Euro 2005.
Autant
de raisons qui devraient pousser les Français à suivre avec un certain
enthousiasme l’équipe nationale de basket. Mais les supporters préfèrent
s’intéresser aux aventures
des joueurs émigrés en NBA ou aux résultats de club avant de se pencher
sur les tournois internationaux. Et cela est d’autant plus vrai en ce qui
concerne le Mondial, qui a perdu une grande partie de son aura en France ainsi
que dans d’autres pays. Il suffit de comparer l’attente et les (illusoires)
espoirs nés avant le Mondial (de foot) en Afrique du Sud pour se rendre compte
de la différence. Mais pourquoi cela?
Absences et stratégies
La
première raison de ce manque de passion hexagonal et international est paradoxalement
le peu d’importance que semblent accorder les principaux intéressés,
c’est-à-dire les joueurs, à cette compétition. Imagine-t-on un Mondial de foot
où Ronaldo ne jouerait pas à cause d’une saison trop chargée ou Messi à cause
d’un problème avec son club? C’est ce qui se passe sans cesse pour le Mondial
de basket. Cette année par exemple, Pau Gasol, la star de l’équipe espagnole et
champion NBA avec les Los Angeles Lakers en 2008 et 2010, ne
jouera pas avec la Roja. Même chose pour les meilleurs joueurs
américains, comme LeBron James ou Kobe Bryant, français, comme
Tony Parker ou Joakim Noah, argentins, comme
Manu Ginobili, ou allemands, comme Dirk Nowitzki. «Nous avons été en finales NBA trois ans de
suite. J’ai joué beaucoup de matchs
donc je vais me consacrer à ma remise
en forme cet été», explique
Bryant. Même rengaine pour Gasol dont le corps «réclame un repos temporel» ou pour Nowitzki qui veut se consacrer «à
100% à cette nouvelle saison avec les Mavs».
Car,
à la différence d’autres sports, les équipes du championnat américain ont un
droit de regard et leur mot à dire en ce qui concerne la participation de leurs
stars dans les grandes compétitions internationales. Cela provoque une espèce
de jeu diplomatique où la valeur de chaque grand événement est définie a priori par une espèce d’accord tacite
entre les meilleurs joueurs pour y participer (ou pas). Ainsi, le Mondial de
1998, les JO de Sydney ou le Mondial de 2002 attirèrent moins de grands champions
que le Mondial 2006 ou les JO de Pékin. Or, cette année, il semble qu’ils se
soient donné le mot pour faire
l’impasse sur ce Mondial. Tous ont d’ailleurs souligné que leur absence
n’impliquait pas leur retraite internationale. «Je fais juste passer Londres
et la possibilité de vivre une nouvelle expérience olympique avant la Turquie», reconnaît Ginobili. Une explication qui vaut
sûrement aussi pour toutes les autres stars absentes.
Excès de compétitions
Car,
là encore, le Mondial doit faire face à un autre rude adversaire: les JO. En
football, depuis 1992, seuls les
joueurs de moins de 23 ans (sauf trois exceptions par équipe nationale)
peuvent y participer. Cela rend évidemment la compétition moins passionnante
pour les supporters et la transforme en une espèce de Coupe du monde pour
jeunes. Il n’en est rien pour le basket où les JO semblent avoir gagné la partie.
Des JO tous les quatre ans, des Mondiaux avec la même régularité et, de manière
surprenante, des championnats d’Europe tous les deux ans. Du coup, les joueurs européens,
de plus en plus présents en NBA, doivent faire face à une vraie saturation de
compétitions internationales qui les oblige à faire un choix.
Si
l’on sait en plus, qu’au basket, la qualification pour la compétition suivante
s’acquiert selon le résultat obtenu dans le rendez-vous international
précédent, cela oblige les joueurs à enchaîner les championnats. Imaginons le
calendrier idéal de Gasol, Parker ou Nowitzki:
- 2004: JO d’Athènes
- 2005: Euro de Serbie-et-Monténégro
- 2006: Mondial du Japon
- 2007: Euro en Espagne
- 2008: JO de Pékin
- 2009: Euro en Pologne
- 2010: Mondial de Turquie
- 2011: Euro en Lituanie
- 2012: JO de Londres… et ainsi de suite.
Pas un seul été de vacances. Une accumulation qui
dénature les tournois et rend beaucoup moins intéressantes les grandes compétitions
internationales. Comme l’explique la théorie économique
classique, la rareté est souvent source de valeur. Et l’offre
surabondante est synonyme de dépréciation.
Mauvais
timing
A tout cela, il faut ajouter le moment, pas vraiment
propice, pendant lequel se déroule le Mondial de basket. Depuis 1970, il tombe
toujours la même année que son
homologue du ballon rond, ce qui ne fait que l’éclipser un peu plus, et
souvent à la fin de l’été. Un calendrier qui le place à la queue d’une période
souvent chargée en événements sportifs et à quelques semaines seulement de la
reprise de la NBA, un championnat particulièrement dense en ce qui concerne le
nombre de matchs. Cette année par exemple, un fan de sport aura pu profiter du Mondial, du championnat
d’Europe d'athlétisme et du championnat
d’Europe de natation avant de voir arriver le Mondial de basket en
Turquie. Sans parler du Tour de France, de la Formule 1 ou de Flushing Meadows qui
occupent toujours les écrans de télévision pendant l’été.
Même
pour un fervent supporteur de basket (que je suis), il est difficile dans ces
conditions de vraiment se passionner pour le Mondial. Beaucoup de grands
joueurs mythiques de ce sport, comme Michael Jordan, Larry Bird ou «Magic»
Johnson, n’ont pas ce titre dans leur palmarès. Mais tout le monde s’en fiche.
Les gens pensent déjà à l’arrivée de
LeBron James à Miami, aux chances des Boston Celtics ou à John Wall et Evan Turner, les stars de la draft de cette année. Les dirigeants devraient en
tenir compte et changer le calendrier ou le système du championnat du monde
pour qu’il devienne un titre vraiment convoité. Et non la compétition
secondaire et quelque peu superflue qu’elle a été jusqu’à maintenant.
Aurélien
Le Genissel
Photo:
Jorge Garbajosa, Lazaros Papadopoulos et Marc Gasol lors de la finale Espagne-Grèce du Mondial 2006 au Japon. REUTERS/Lucy Nicholson
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