jeudi 26 août 2010

Le Mondial de basket, tout le monde s'en fout

Le Mondial de basket, tout le monde s'en fout: "

Savez-vous

quelle est l’équipe championne du monde en titre de basket? Où est-ce que

l’Espagne (oui, c’est elle…) a remporté le titre en 2006? Où se joue le Mondial

qui débute dans quelques jours? Pourtant on ne parle pas de cricket ou de curling

ni d’un événement mineur ou anecdotique. Il s’agit tout simplement du

championnat du monde de basket qui aura lieu à partir du 28 août en Turquie.


Un

sport qui compte plus de 450.000 licenciés en France et qui, selon les

derniers chiffres de la Fédération française de basketball
, est «le plus pratiqué au monde avec 400 millions

de joueurs, loin devant le football (250 millions) et le tennis (120 millions)
».

Pourtant, le moins que l’on puisse dire c’est que, dans les cafés, on parle davantage

des sanctions post-Afrique du Sud ou du mercato d’été

que de la

défaite des Bleus face aux Etats-Unis
en match de préparation.


Mondial décaféiné


Car

la France n’est pas vraiment fan de basket. Alors que, dans d’autres pays

européens (Espagne, Italie, Grèce, Turquie…), le basket est considéré comme le

deuxième sport collectif national, voir le premier (en Lituanie), en France il

passe après le rugby et, souvent, le handball. Pourtant cette discipline,

inventée par James

Naismith
, a offert de nombreux succès à la France ces dernières années.

Beaucoup de joueurs, comme Boris Diaw, Mickaël Piétrus ou Jérôme Moïso, sont

partis jouer en NBA, le championnat américain,

considéré comme le meilleur du monde. Tony Parker est même devenu le premier Français

à remporter le titre avec les San

Antonio Spurs en 2003, 2005 et 2007. Et TP accompagne aussi Joakim Noah dans le

dernier classement des sportifs favoris des Français
. Sans oublier la

médaille d’argent que la France a remporté aux JO de Sydney en 2000 et la

troisième place à l’Euro 2005.


Autant

de raisons qui devraient pousser les Français à suivre avec un certain

enthousiasme l’équipe nationale de basket. Mais les supporters préfèrent

s’intéresser aux aventures

des joueurs émigrés en NBA
ou aux résultats de club avant de se pencher

sur les tournois internationaux. Et cela est d’autant plus vrai en ce qui

concerne le Mondial, qui a perdu une grande partie de son aura en France ainsi

que dans d’autres pays. Il suffit de comparer l’attente et les (illusoires)

espoirs nés avant le Mondial (de foot) en Afrique du Sud pour se rendre compte

de la différence. Mais pourquoi cela?


Absences et stratégies


La

première raison de ce manque de passion hexagonal et international est paradoxalement

le peu d’importance que semblent accorder les principaux intéressés,

c’est-à-dire les joueurs, à cette compétition. Imagine-t-on un Mondial de foot

où Ronaldo ne jouerait pas à cause d’une saison trop chargée ou Messi à cause

d’un problème avec son club? C’est ce qui se passe sans cesse pour le Mondial

de basket. Cette année par exemple, Pau Gasol, la star de l’équipe espagnole et

champion NBA avec les Los Angeles Lakers en 2008 et 2010, ne

jouera pas avec la Roja
. Même chose pour les meilleurs joueurs

américains, comme LeBron James ou Kobe Bryant, français, comme

Tony Parker
ou Joakim Noah, argentins, comme

Manu Ginobili
, ou allemands, comme Dirk Nowitzki. «Nous avons été en finales NBA trois ans de

suite
. J’ai joué beaucoup de matchs

donc je vais me consacrer à ma remise

en forme cet été»,
explique

Bryant. Même rengaine pour Gasol dont le corps «réclame un repos temporel» ou pour Nowitzki qui veut se consacrer «à

100% à cette nouvelle saison avec les Mavs
»
.


Car,

à la différence d’autres sports, les équipes du championnat américain ont un

droit de regard et leur mot à dire en ce qui concerne la participation de leurs

stars dans les grandes compétitions internationales. Cela provoque une espèce

de jeu diplomatique où la valeur de chaque grand événement est définie a priori par une espèce d’accord tacite

entre les meilleurs joueurs pour y participer (ou pas). Ainsi, le Mondial de

1998, les JO de Sydney ou le Mondial de 2002 attirèrent moins de grands champions

que le Mondial 2006 ou les JO de Pékin. Or, cette année, il semble qu’ils se

soient donné le mot pour faire

l’impasse sur ce Mondial
. Tous ont d’ailleurs souligné que leur absence

n’impliquait pas leur retraite internationale. «Je fais juste passer Londres

et la possibilité de vivre une nouvelle expérience olympique avant la Turquie»
, reconnaît Ginobili. Une explication qui vaut

sûrement aussi pour toutes les autres stars absentes.


Excès de compétitions


Car,

là encore, le Mondial doit faire face à un autre rude adversaire: les JO. En

football, depuis 1992, seuls les

joueurs de moins de 23 ans
(sauf trois exceptions par équipe nationale)

peuvent y participer. Cela rend évidemment la compétition moins passionnante

pour les supporters et la transforme en une espèce de Coupe du monde pour

jeunes. Il n’en est rien pour le basket où les JO semblent avoir gagné la partie.

Des JO tous les quatre ans, des Mondiaux avec la même régularité et, de manière

surprenante, des championnats d’Europe tous les deux ans. Du coup, les joueurs européens,

de plus en plus présents en NBA, doivent faire face à une vraie saturation de

compétitions internationales qui les oblige à faire un choix.


Si

l’on sait en plus, qu’au basket, la qualification pour la compétition suivante

s’acquiert selon le résultat obtenu dans le rendez-vous international

précédent, cela oblige les joueurs à enchaîner les championnats. Imaginons le

calendrier idéal de Gasol, Parker ou Nowitzki:



  • 2004: JO d’Athènes

  • 2005: Euro de Serbie-et-Monténégro

  • 2006: Mondial du Japon

  • 2007: Euro en Espagne

  • 2008: JO de Pékin

  • 2009: Euro en Pologne

  • 2010: Mondial de Turquie

  • 2011: Euro en Lituanie

  • 2012: JO de Londres… et ainsi de suite.


Pas un seul été de vacances. Une accumulation qui

dénature les tournois et rend beaucoup moins intéressantes les grandes compétitions

internationales. Comme l’explique la théorie économique

classique
, la rareté est souvent source de valeur. Et l’offre

surabondante est synonyme de dépréciation.


Mauvais

timing


A tout cela, il faut ajouter le moment, pas vraiment

propice, pendant lequel se déroule le Mondial de basket. Depuis 1970, il tombe

toujours la même année que son

homologue du ballon rond
, ce qui ne fait que l’éclipser un peu plus, et

souvent à la fin de l’été. Un calendrier qui le place à la queue d’une période

souvent chargée en événements sportifs et à quelques semaines seulement de la

reprise de la NBA, un championnat particulièrement dense en ce qui concerne le

nombre de matchs. Cette année par exemple, un fan de sport aura pu profiter du Mondial, du championnat

d’Europe d'athlétisme
et du championnat

d’Europe de natation
avant de voir arriver le Mondial de basket en

Turquie. Sans parler du Tour de France, de la Formule 1 ou de Flushing Meadows qui

occupent toujours les écrans de télévision pendant l’été.


Même

pour un fervent supporteur de basket (que je suis), il est difficile dans ces

conditions de vraiment se passionner pour le Mondial. Beaucoup de grands

joueurs mythiques de ce sport, comme Michael Jordan, Larry Bird ou «Magic»

Johnson, n’ont pas ce titre dans leur palmarès. Mais tout le monde s’en fiche.

Les gens pensent déjà à l’arrivée de

LeBron James à Miami
, aux chances des Boston Celtics ou à John Wall et Evan Turner, les stars de la draft de cette année. Les dirigeants devraient en

tenir compte et changer le calendrier ou le système du championnat du monde

pour qu’il devienne un titre vraiment convoité. Et non la compétition

secondaire et quelque peu superflue qu’elle a été jusqu’à maintenant.


Aurélien

Le Genissel


Photo:

Jorge Garbajosa, Lazaros Papadopoulos et Marc Gasol lors de la finale Espagne-Grèce du Mondial 2006 au Japon. REUTERS/Lucy Nicholson

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